À propos de la licorne et du dodo

En 2019 j’étais favorable CNRC en Italie, juste à l’extérieur de Milan, dans le laboratoire de l’expert en fertilité Cesare Galli. Un nom comme un Astérixalbum, et dans les cuves métalliques, il nous a montré quelque chose qui avait au moins autant de potentiel qu’une potion magique. Pailles avec du sperme de rhinocéros congelé. L’objectif de Galli était de ramener à l’état sauvage le rhinocéros blanc du Nord disparu. Avec le sperme congelé (du dernier mâle décédé de la sous-espèce), il avait fécondé deux ovules. Maintenant, il espérait donner un nouveau départ au rhinocéros blanc du Nord avec ces embryons. Un objectif noble, mais Galli avait un autre motif. « L’objectif est d’être le tout premier », a-t-il déclaré. « Il s’agit de gagner cette médaille d’or. »

J’ai mis ce qui précède sur papier dimanche soir, en début de chronique. Mardi, je n’aurais pas beaucoup de temps à cause d’un cours – j’ai décidé que je pouvais travailler en avant une fois. Mais ensuite sont arrivés les tremblements de terre en Turquie et en Syrie, et tout le reste a soudainement semblé futile.

L’anecdote sur Galli constituerait un pont vers la start-up américaine Colossal Bioscience, qui veut faire revivre, entre autres, le tigre de Tasmanie disparu et le mammouth laineux. La semaine dernière, les fondateurs avaient annoncé en grande pompe qu’ils espéraient désormais aussi ressusciter le dodo, ou du moins un oiseau qui lui ressemble beaucoup. L’opportunité de quelque chose comme ça, c’est ce sur quoi je voulais écrire. Le titre de travail : ‘Rien que du bon dans le dodo’.

Mais mon esprit continuait à vagabonder jusqu’aux tremblements. 7.8 et 7.5. Des chiffres qui semblaient cliniques à côté du nombre de morts sans cesse croissant. Entretiens avec des survivants, avec des secouristes. Photos d’immeubles à moitié effondrés, transformés en maisons de poupées sinistres : regardez, il y a un autre lit de camp là-bas, et là, dans cette cuisine, un réfrigérateur. Des termes inutiles de mes anciens manuels de géologie résonnaient dans ma tête : faille décrochante latérale gauche, faille transformante. Une phrase m’est venue à l’esprit Le livre cassé, le livre que l’écrivaine néo-zélandaise Fiona Farrell venait de commencer en 2011 lorsque sa ville natale de Christchurch fut frappée par un tremblement de terre majeur. „Le tremblement de terre a envoyé une larme déchiquetée à travers mon texte.”

Colossal Bioscience en est un dans le monde des affaires Licorne, une startup avec une capitalisation boursière de plus d’un milliard de dollars. Une licorne sauvant un dodo, un conte de fées moderne. Les paléogénéticiens impliqués disent vouloir que leurs recherches aident les espèces actuellement en voie de disparition. Mais ils semblent avoir la même ambition que Galli : remporter le premier prix. Secouez la science dans ses fondements.

Nous attendons maintenant une licorne capable de prédire les tremblements de terre. Une start-up avec un seul objectif : vivre heureux pour toujours. Ce serait vraiment un conte de fées.

Gemma Venhuizen est rédacteur en chef de la biologie au CNRC et y rédige une chronique tous les mercredis.



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