A la veille de deux concerts dans notre pays (le 5 juillet à Spoleto, au Festival dei Due Mondi, et le 6 juillet à Milan au festival Worm Up!), Carla Bruni veut raconter son histoire. Même à cause d’un malentendu…


« Lla musique m’a sauvé la vie. » Vraiment? «Au moins, cela a préservé ma santé mentale d’enfant. ET un refuge contre la solitude, l’angoisse, le vide, les traumatismes… Une bénédiction, quelque chose de mystique. Un souffle magique : il m’amène à un maximum de sérénité et un maximum d’excitation à la fois. Avec l’amour et l’affection, c’est ce qui me motive. » A la veille de deux concerts dans notre pays (le 5 juillet à Spolète, al Festival des Deux Mondeset le 6 juillet Milan au festival Vermifuge !), Carla Bruni veut raconter son histoire. Aussi pour dissiper un malentendu : « J’ai toujours le sentiment qu’on me prend pour un étrange snob français, alors qu’au fond de mon âme je suis profondément italien. »

Carla Bruni et Monica Bellucci au premier rang chez Saint Laurent : deux icônes italiennes à Paris

Elle nous a raconté il y a des années que sa passion était née au collège, lorsqu’un professeur de guitare lui enseignait Oh! Suzanne... Pourquoi ne pas le suivre immédiatement, au lieu de dévier – à seize ans – vers la mode ?
Je recherchais l’indépendance sociale et, lorsqu’ils m’ont demandé de poser et de défiler sur le podium, j’ai immédiatement sauté le pas. Dans l’existence je privilégie les courants qui viennent vers moi… A l’époque il y avait beaucoup de travail, ça ne nécessitait pas d’étude (j’ai un cerveau qui refuse de s’engager). Et puis mes parents étaient tous deux musiciens (Alberto Bruni Tedeschi compositeur, Marisa Borini pianiste, éd).

Plus encore : une route dégagée.
Non, je n’avais pas assez confiance en moi, en mes capacités. Je suis assez lent, il a fallu que mon style mûrisse et je ne voulais pas attendre, je me souciais trop de l’autonomie. Une fixation que je transmets à ma fille : je suis obsédée par cette pauvre petite fille. Nous avons quatre fils (les trois enfants nés des précédents mariages de Nicolas Sarkozy et Aurélien, issus de sa relation avec le philosophe Raphaël Enthoven, éd) et Giulia (possédée par Sarkozy, éd), mais c’est elle qui martèle : pour nous les femmes, un métier est bien plus important que pour les hommes. « Ne pensez pas à vous marier, je le répète, pensez simplement à un travail (quel qu’il soit) qui vous passionne. Notre dignité est notre œuvre, notre liberté est notre œuvre. »

Avec son mari, l’ancien président français Nicolas Sarkozy. Carla Bruni pourrait être renvoyée devant le parquet de Nanterre dans le cadre de l’enquête sur la rétractation en 2020 du témoignage accusateur contre Nicolas Sarkozy par l’intermédiaire Ziad Takieddine. (Photo de Marc Piasecki/Getty Images)

Et Giulia l’écoute-t-elle ?
Elle a 12 ans, maintenant elle est complètement absorbée par les chevaux, mais cela aussi peut devenir un métier. Bien sûr, oui, la plus belle chose dans la vie, c’est certainement l’amour, hein, mais l’amour c’est souvent la dépendance, le travail c’est l’indépendance. Et puis comment abandonner une activité qui me permettait de bouger, de rencontrer beaucoup de monde ? En tant que jeune, qu’est-ce qui vous ouvre plus l’esprit que voyager ? On juge quand on ne sait pas, la curiosité est un antidote au jugement. Le doute est fabuleux, les certitudes arrivent tardivement et restent précaires, instables.

50 ans, un âge exceptionnel pour Carla Bruni

Regrettez-vous cette période ?
Après 50 ans, un autre très intéressant s’ouvre car il faut s’adapter à ce nouvel âge : on peut mal le prendre mais, si on le prend bien, je le trouve exceptionnel. Ne plus avoir à faire attention à ne pas avoir d’enfants (des rires) c’est très confortable. Et il y a une maturité qui donne de la force : je n’ai jamais eu autant de force, même pour les autres. Adieu ce gaspillage d’énergie inutile dans l’Ego : l’Ego se redimensionne.

Était-ce un gros problème, cet Ego ?
C’est un problème pour tout le monde. Peut-être le plus gros problème. C’est difficile d’en parler ici car je l’utilise effectivement pour l’interview, mais maintenant que je suis plus âgé, je peux l’observer avec la bonne distance : il est essentiel de se défendre, mais il faut éviter qu’il ne gêne avec authenticité pour être satisfait. Il faut bien l’utiliser, un peu comme l’argent : c’est un bon serviteur, mais pas un bon maître.

Carla Bruni Sarkozy à Cannes, préside le troisième tapis d' »Emilia Perez ». (Photo de Marc Piasecki/FilmMagic)

Parfois, cela peut aussi être utile à d’autres : lorsque vous parlez de votre cancer du sein sur Instagram, en vous invitant à vous contrôler régulièrement, peut-être que quelqu’un a suivi le conseil…
C’était précisément le but. Une de mes amies avait ouvert les yeux grâce au témoignage d’Angelina Jolie sur la découverte d’un gène modifié et la décision de se faire enlever les seins. J’ai aimé apporter quelque chose, moi qui ai toujours eu autant de chance. Heureusement dans ce cas aussi, car je l’ai attrapé à temps, il était petit, je n’ai même pas eu besoin de subir de chimiothérapie. Ce cancer touche un pourcentage effrayant de femmes, elles survivent si le diagnostic est précoce… Pour nous qui vivons dans des pays où les échographies et les mammographies sont omniprésentes – très simples, remboursées – il n’y a pas d’excuses !

La dépendance, admise et révélée

Pourquoi le révéler seulement quatre ans plus tard ?
Parce que je ne l’avais pas dit à mes enfants auparavant, ni même à ma mère…

Et ce qui l’a poussée à confier ses problèmes d’addiction en 2023 au podcast français Contre les addictionset de le redire en avril à l’émission italienne Bêtes?
Cela ne me dérange pas d’admettre ses faiblesses, je trouve que les faiblesses sont les choses les plus intéressantes chez les êtres humains. Et partager cette recherche de sobriété la renforce pour moi, c’est comme si je prenais – en public – un engagement envers moi-même… J’ai fait dix jours de Festival de Cannes et d’autres merveilleux voyages sans une goutte d’alcool… Je c’était bien-nis-si-mo ! Cela me donne de la force. Pour moi, la sobriété est mon avenir.

Comment avez-vous débuté sur le chemin de l’abstinence ?
À la recherche de solutions pour le faciliter, J’ai découvert l’EMDR (une méthode psychothérapeutique destinée aux personnes ayant subi des événements traumatisants ou un stress important, éd). Dès le début des séances j’ai senti ces compulsions s’apaiser, j’ai ressenti un sentiment de paix. Ils restent avec moi dépendance ce qui pourtant ne me dérange pas du tout : les livres, le sport… Je dois faire deux heures par jour : je vois qu’il y a quelque chose de compulsif là-dedans, mais ça me fait du bien. Ce n’est pas comme la nicotine ou l’alcool qui me rendent malade. Par contre, mon mari est accro au vélo.

Carla Bruni entre Colapesce et Dimartino au 73e Sanremo en 2023. (Photo de Daniele Venturelli/Daniele Venturelli/Getty Images)

Auteur-compositeur-interprète-top model-première dame. Splendeurs et duretés. Pourquoi n’écris-tu pas une autobiographie ?
Je suis un peu jeune, je n’ai que 56 ans (des rires), mais je vais peut-être l’écrire. Je l’aimerais.

Le titre idéal ?
Vous savez, il me semble toujours que nos vies sont un passage, que notre âme est plus grande. Il y a quelque chose de mystique, de spirituel que je recherche. Je pourrais l’appeler : Je ne sais pas? (des rires).

Qui vous guide dans cette recherche ?
J’utilise beaucoup la méditation pour donner du repos au cerveau, pour donner du repos à l’Ego : ce n’est qu’en pratiquant la position debout en silence que l’on se rend compte que l’on n’est pas identifié à son esprit et à ses pensées, ni à son Ego… J’aime l’idée de faire partie d’un mouvement bien plus grand que moi dans lequel je suis une miette, un tout petit… Je m’intéresse à tous les chercheurs en traumatologie. Comme Gabor Maté, un génie absolu : il a vu le documentaire sur lui La sagesse du traumatisme? La sagesse du traumatisme? Vous le récupérez : c’est merveilleux, ça a changé ma vie.

Peut-être que la maladie la change davantage…
Il y a une vraie grâce dans la maladie, au final c’est elle qui m’a guidé vers ce nouveau chemin : c’est une information que le corps vous offre, il faut l’écouter. Sans cancer, je ne serais peut-être pas venu à l’EMDR, ce qui m’a guidé vers la prise de conscience des cicatrices cachées.

Carla Bruni et une famille compliquée

Traumatismes, cicatrices… N’a-t-elle pas dit qu’elle avait de la « chance » ?
Et je le suis, mais ayant grandi en percevant qu’il y avait quelque chose de non-dit autour de moi, et n’ayant su qu’une fois adulte que je n’étais pas la fille de ce que je pensais être mon père, je ne pouvais manquer de laisser des signes…

Est-il toujours en colère contre sa mère ?
Mille fois je lui ai dit : « Regarde, tu m’as laissé tranquille ! ». Et elle : « Je n’ai même pas remarqué » (rires de bon cœur) C’était une autre époque…

Avec sa sœur Valeria Bruni Tedeschi au défilé Giorgio Armani Privé Haute Couture Printemps Été 2023 à Paris. (Photo de Stéphane Cardinale – Corbis/Corbis via Getty Images)

Et avec sa sœur, qui ne la représente pas toujours avec bienveillance à l’écran ?
En tant qu’actrice et réalisatrice, elle a un immense talent, je l’admire. Certains films, je dois les voir deux fois : la première fois, je suis trop ému pour pouvoir les absorber en tant que spectateur. Mais quand j’ai l’impression qu’un personnage m’utilise un peu, je le lui dis. Il faut dire les choses. Dans notre famille nous avons beaucoup de défauts, nous sommes certes égocentriques, impétueux, émotifs, mais nous ne connaissons pas les mensonges, nous n’avons pas de silences pleins de haine. Ici, nous parlons, c’est notre sang italien.

Projets?
J’écris un nouvel album, dès que cette petite tournée sera terminée je commencerai à enregistrer.

Titre?
C’est drôle qu’on pense d’abord au titre… Selon moi Françoise Sagan a aussi choisi les titres avant d’écrire, ils sont fantastiques : Bonjour sadesse, Aimez-vous Brahms…, Un peu de soleil dans l’eau douce (Un peu de soleil dans l’eau froide), La Femme fardée (La femme maquillée)… Pas moi, je décide finalement. Mais je pourrais opter pour Sagesse (Pouffer de rire): La sagesse est définitivement ce que je recherche.

iO Donna © TOUS DROITS RÉSERVÉS



ttn-fr-13