A Ellezelles, la bataille des routes lentes se poursuit sans tarder, s’il le faut dans un vrai style commando


Atterrisseur Deweer23 août 202211:00

Dans le salon de Michel Richart, caché au fond d’un pli paysager du Pays des Collines, versant sud désert des Ardennes flamandes, règne l’atmosphère combative de la résistance.

« C’est là que nous planifions nos commandos », dit Richart en riant, et en le disant, il pointe comme un feld-maréchal le tableau qu’il a installé sur un placard. A côté de l’armoire se trouve son compagnon Jean-Philippe Vercaigne.

Au tableau est imprimée une carte topographique d’Ellezelles, avec les contours, les routes et les noms de tous les hameaux, sur laquelle Richart a épinglé des épingles. Une ligne bleue dans le marqueur relie les têtes d’épingle.

« Ce sont toutes les routes lentes qui ont été rouvertes ces dernières années grâce à nous », dit-il. « Vingt-deux en tout. Au début, tout le monde était contre, mais maintenant même les adversaires les plus ardents utilisent les sentiers, à pied ou à vélo. Et pourtant, ils continuent de travailler contre nous.

Vercaigne : « J’exagère, mais il n’y a tout simplement pas d’affiche sur la mairie avec une photo de Michel dessus : Recherché mort ou vif.”

Richart : « Ils nous considèrent comme des extrémistes. Des Khmers verts.”

Persona non grata

Michel Richart vit à Ellezelles depuis plus de vingt ans. Randonneur aguerri, il connaît tous les sentiers de randonnée de la région comme sa poche. L’ancien enseignant parcourt plus de 1 000 kilomètres par an, la marche lui apporte la paix et le maintient en forme.

Mais un feu brûle toujours en lui. Depuis qu’il s’est engagé, avec Vercaigne et une dizaine d’autres villageois, à rouvrir les routes lentes perdues, Richart se sent persona non grata.

« Surtout avec le conseil municipal et tous leurs amis », dit-il. « Cependant, je travaille simplement à rouvrir les chemins qui se trouvent sur d’anciennes cartes et qui ont disparu au fil des ans – parce qu’un agriculteur y a planté des cultures ou parce qu’ils sont envahis par des mauvaises herbes ou des arbustes. Cela profite au village, car le week-end et pendant les vacances, il est plein de promeneurs de Flandre. Mais ils me voient toujours comme une nuisance.

Un sentier à Ellezelles rendu impraticable par les branchages et les mauvaises herbes.Atterrisseur d’image Deweer

Récemment, le conflit a de nouveau éclaté. Suite aux plaintes de certains riverains, la commune d’Ellezelles a décidé de supprimer le sentier 176, chemin étroit non goudronné entre la rue de Frasnes et la rue Fourquepire au centre du village. C’était sans compter Richart et Vercaigne qui portèrent plainte.

Richart : « Le propriétaire bloque le chemin depuis 2012, par mécontentement face aux promeneurs qui perturbent prétendument la biodiversité. »

Vercaigne: « Mais il conduit lui-même un tracteur à travers le champ. »

Richart : « Seul Ecolo a voté contre. C’est typique de cette époque : la voiture dispose de beaucoup d’espace et pour les promeneurs, ils construisent de temps en temps un nouveau sentier qui attire le regard. Mais les anciens sentiers de randonnée ne sont importants pour personne.

Vercaigne : « À l’école, au magasin, à l’église : tout le monde faisait tout à pied. Maintenant, nous sautons directement dans notre voiture et pendant ce temps, les sentiers pédestres deviennent de plus en plus mauvais.

Richart : « Et une fois qu’un crapaud est parti, il est très difficile de le restaurer. Juste pour être clair : nous ne voulons pas ouvrir à nouveau tous les chemins. Uniquement ceux qui ont un intérêt écologique, historique ou de sécurité.

Vercaigne : « Nous commençons généralement dans un vrai style commando : nous supprimons tous les blocages, personne ne peut nous arrêter. »

Richart : « Et après on entame la procédure judiciaire. »

des fruits

Cette fois aussi, l’approche a porté ses fruits. Récemment, la municipalité a été contrainte de revoir à la baisse ses plans. Suite à une décision ministérielle, elle a eu jusqu’à fin septembre pour rouvrir le sentier 176, impraticable depuis des années après qu’un des voisins a entassé des branchages et des barbelés, aux promeneurs. Willy Borsus, MR Ministre de l’Agriculture et de l’Environnement du gouvernement wallon, a personnellement informé Richart de sa décision.

Richart : « Je me demande s’ils vont se frayer un chemin d’eux-mêmes. Pour être honnête, j’ai un peu peur. »

Vercaigne : « Sinon, il faut encore être aux commandes. De préférence pas bien sûr, mais s’il n’y a pas d’autre option… »



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