Musique, street art, théâtre : Naples (avec ses contradictions) est toujours la capitale


La musique. Théâtre. Football. Vésuve. La Camorra. Et puis la faim, la fatigue, la résistance quotidienne. Le monde des vivants est étroitement lié à celui des morts. Et encore l’art, la poésie, la nourriture. Dans Puis-je entrer? Une ode à Naples par Trudie Styler (productrice, réalisatrice et épouse de Sting) il y a tout ça. Et encore plus. On commence par le rap de Clementino, qui reconstitue quelque deux mille ans d’histoire depuis l’aube du Partenope d’alors jusqu’à aujourd’hui, et on arrive à la voix incomparable de Pino Daniele sur les notes d’Alleria, qui incarne le ton du troisième long métrage. de l’artiste anglais. La joie bien sûr. mais aussi la douleur, la mélancolie et le regret. La conscience que tout grandit et disparaît. Entre 100 minutes de visages, d’histoires, de personnages, de lieux, de légendes.

Une ville photographiée dans son intégralité

Le principal mérite de l’Ode de Trudie Styler est qu’elle nous donne dans sa plénitude l’image d’une ville complexe, multiforme, difficile, pleine. Mais unique à sa manière. Et coloré : rouge, comme le sang de San Gennaro et le magma qui coule sous le volcan ; jaune, comme le tuf de son sous-sol et les bâtiments de l’époque où elle était capitale de l’Europe et refuge des artistes du monde entier ; bleu, comme le maillot de son équipe et la mer qui le côtoie. Des couleurs fortes que la photographie de Dante Spinotti met en valeur et valorise.
Ce qui frappe dans son long métrage, c’est sa capacité à s’immerger parfaitement dans la peau et la mentalité de ses habitants. Le fait qu’elle soit étrangère l’aide probablement à mettre de côté le sketch, l’hagiographie, la caricature avec lesquels on la voit si souvent représentée au cinéma, à la télévision, dans les journaux. Pour l’amour du ciel, la carte postale Naples existe et ne peut manquer d’exister. Mais cela ne sert qu’à couper entre un gros plan et un autre. Entre un témoignage et un autre. Revenir d’une partie au tout pour ensuite passer à une autre partie. De Posillipo aux Quartieri Spagnoli, de Vomero à Scampia. De la péninsule de Sorrente à San Giovanni a Teduccio. Plusieurs visages d’un même pays.

Naples et ses visages connus et inconnus

Même le choix de partir de Spaccanapoli et Sanità en est la preuve. Cela ne sert à rien d’en faire le tour. Naples est un concentré de beauté qui ne cache pas ses contradictions. Ses blessures. Passé et présent.
Le témoignage d’un curé qui a toujours été en première ligne (Don Antonio Loffredo) ou d’un écrivain qui a vécu sous surveillance pendant plus de 15 ans (Roberto Saviano) a la même force que celui de la grand-mère-couturière qui coud 200 gants par jour pendant des dizaines et des décennies pour nourrir son neveu prématurément orphelin et ses deux jeunes voisins qui ont subi le même sort. Ou encore celle des femmes de l’association Forti guerrière, nées après le meurtre de Fortuna Belisario, qui luttent au quotidien contre les féminicides. Ou encore celui d’Alessandra Clemente qui a trouvé dans l’engagement politique un moyen de dépasser le deuil et de tenter de donner un avenir différent à la ville qui l’a privée, à l’âge de huit ans, de sa mère Silvia Ruotolo, assassinée lors d’un balle perdue, il est rentré chez lui main dans la main avec son deuxième-né.

Toujours le berceau de l’art

Mais Naples, ce n’est pas seulement la Camorra, le trafic de drogue, la violence. Trudie Styler le souligne avec force. Naples, c’est aussi de l’art. La musique, on l’a dit. Et l’expérience de l’orchestre Sanitansamble en est une preuve supplémentaire. Mais comment oublier le théâtre ? D’où l’attention portée aux expériences de Vincenzo Pirozzi, fils d’un patron qui commence son expérience de rédemption pour les jeunes de son quartier depuis le système de santé, et de Francesco Di Leva, qui part de la banlieue est, crée un espace avant-gardiste. comme le Nid et a obtenu un succès national dirigé par Mario Martone dans Nostalgie. Jusqu’au street art. Et à Jorit qui, du mur d’un ancien immeuble de San Giovanni a Teduccio, où il a immortalisé un Dios humain comme Diego Armando Maradona, a emporté ses canettes et son avertissement d’« être humain » à travers le monde. Jusqu’en Ukraine, au Chili ou en Palestine. Sans jamais oublier d’où il est parti et où, de son propre aveu, il a toujours besoin de revenir.

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