Elle a été précédée de manifestations massives dans la rue et le gouvernement a finalement dû contourner un vote au Parlement pour faire adopter la réforme des retraites. Mais à partir d’aujourd’hui (vendredi), les Français travailleront aussi plus longtemps. Qu’est-ce que cela signifie et la colère est-elle définitivement retombée ?

Elaine Huisman

La résistance farouche est une tradition en France lorsque des changements sociaux majeurs sont en jeu. Et cela s’applique d’autant plus aux retraites. Des manifestations à grande échelle étaient prévues des mois avant que la Première ministre Elisabeth Borne ne dévoile les nouveaux régimes de retraite.

C’est ce qui s’est passé : de janvier à juin, des millions de Français sont descendus dans la rue pour s’opposer à la réforme, un taux de participation historiquement élevé. Des tonnes de déchets se sont accumulées dans les villes où les services de ramassage des ordures étaient en grève, les services ferroviaires ont été interrompus pendant des semaines et les services gouvernementaux ont été interrompus en raison des protestations des syndicats du secteur de l’énergie.

Pourquoi les Français étaient-ils si en colère ?

« En France, nous considérons le travail comme un lieu de souffrance », expliquait plus tôt dans ce journal le sociologue français Jean Viard l’opposition à la réforme des retraites. Le progrès signifie donc : devoir travailler de moins en moins. De nombreux Français étaient fiers de pouvoir prendre leur retraite relativement jeunes par rapport aux autres pays européens. Le relèvement de l’âge minimum, de 62 ans aujourd’hui à 64 ans en 2030, a été le principal sujet d’insatisfaction.

De plus, ils paient des cotisations pendant une période plus longue afin de pouvoir prétendre à une pension complète. Cela aussi augmentera progressivement, passant de 42 ans aujourd’hui à 43 ans en 2027. La plupart des réglementations spéciales qui prévoyaient des exceptions pour de nombreux groupes professionnels disparaîtront.

Malgré les protestations, la nouvelle loi sur les retraites sera donc toujours adoptée. Le président Macron peut-il à nouveau respirer tranquillement ?

Pour Macron, la réforme était l’une des principales ambitions de son deuxième mandat présidentiel. Lorsqu’il a pris ses fonctions en 2017, il s’était déjà présenté comme un grand innovateur qui s’attaquerait au système de retraite bien établi. Cela a échoué à l’époque. Son héritage politique était en jeu.

Pour l’obtenir, Macron a payé le prix fort. Le gouvernement a évité un vote au Parlement, craignant que la loi sur les retraites ne soit rejetée. Cela a renforcé les relations déjà difficiles avec l’opposition. Le gouvernement a survécu à plusieurs motions de censure, dont une a été rejetée par quelques voix seulement. Les manifestations de rue ont également reçu un élan supplémentaire. Les médias français ont parlé d’un doigt d’honneur adressé au peuple et d’une chute pour Macron.

En avril, Macron a promis 100 jours de réconciliation. La colère est-elle désormais retombée ?

Le 14 juillet, jour de la fête nationale française, Macron ferait le point. Mais le discours prévu a été annulé sur fond d’une nouvelle crise : les émeutes qui ont suivi la mort de l’adolescente Nahel, tuée par une balle de la police.

Le gouvernement et les syndicats se parlent à nouveau, mais sur des sujets différents. Et mercredi dernier, Macron s’est entretenu tard dans la nuit avec les dirigeants de tous les partis politiques dans le but d’une meilleure coopération. L’entourage du président a salué un moment particulier d’unité, les partis de gauche étant particulièrement sceptiques quant à l’absence de résultats concrets.

Et les syndicats ?

Sophie Binet, dirigeante du syndicat radical CGT, demandera lundi au président Macron un référendum sur les retraites, ce que réclame également la gauche radicale La France Insoumise. Après quatorze jours de protestation, les syndicats semblent abandonner les manifestations contre la réforme des retraites. Cela ne veut pas dire que la rue sera calme : une journée nationale d’action est prévue le 13 octobre pour les augmentations de salaires, l’égalité entre les hommes et les femmes et la politique climatique.



ttn-fr-31