“Ma femme a nettoyé la cour ce matin”, raconte Freddy Clavie (79). Il frotte une couche de poussière du carrelage avec ses doigts grossièrement ridés, montre le mobilier de jardin tacheté de noir qu’il “pourrait laver presque tous les jours” et, en pièce de résistance, sort un bocal de la cuisine dans lequel il récupère des morceaux de ” Katjoe ». « L’usure des pneus et de l’asphalte finit ici. Ce pont est un fléau pour nous.
Le voisin arrière de Clavie est l’imposant viaduc de Vilvorde. S’il le veut, il peut tourmenter le dos de dix mille camions un jour de semaine normal. Quelque 150 000 véhicules dans les deux sens échappent de peu au champ de vision, mais font partie de la couverture de bruit et de particules qui descend sur le district de Broek.
La présence du viaduc menace de s’accroître encore dans les huit prochaines années. Jusqu’au début de 2031, trois équipes de travailleurs travailleront 24 heures sur 24 pour décaper les revêtements routiers et les dalles de béton ou remplacer les glissières de sécurité et les revêtements (contenant de l’amiante). La fatigue du béton joue des tours sur l’artère très fréquentée, et une certaine robustesse est la bienvenue en vue d’une quatrième voie dans le futur.
Sang bouillant
Cela signifie probablement faire bouillir le sang des conducteurs. Les estimations approximatives supposent un retard supplémentaire de 15 à 20 minutes dans les premières phases à 30 à 45 minutes entre 2027 et 2031. A l’ombre du viaduc, la plupart des habitants ne frappent pas leur volant de frustration – les habitants de Vilvorde utilisent peu le viaduc.
“J’ai surtout peur pour la qualité de mon sommeil”, explique Lotte (21 ans). Elle habite depuis deux ans dans l’un des nouveaux lotissements entre le canal et Senne, à côté du quartier Broek. La fenêtre de sa chambre fait face au pont. Alors un chantier de huit ans semble “effrayant”, mais en gardant à l’esprit le pont Morandi à Gênes, elle décide : “Alors je préférerais avoir un pont sûr.”
Pour Clavie, le déjà vu se profile déjà. Il est né et a grandi dans cet ancien quartier ouvrier, construit entre une industrie riche – comme l’usine Renault – qui s’est éteinte ici d’une mort lente. La construction du viaduc en 1978 est encore dans son esprit. Il en a des photos, mais malheureusement seule sa femme les connaît – et elle vient d’aller au supermarché.
“J’ai passé de nombreuses nuits blanches à l’époque. Par des camions heurtant des blocs de béton, des cris d’ouvriers. Clavie soupire. “J’espère vraiment que nous en serons épargnés cette fois. Mais on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, je m’en rends compte.”
Le conseil municipal partage déjà certaines inquiétudes. Le bourgmestre Hans Bonte (Vooruit) espère que “la circulation des camions ne s’étendra pas dans les rues de Vilvorde”. D’avril 2024 à fin 2025, aucun trafic de marchandises lourdes ne sera autorisé sur le pont pendant les week-ends en raison de travaux de soudure sensibles. En un week-end, il y a encore environ 3.500 camions sur le Ring de Bruxelles.
Le long de la Brusselsesteenweg, de l’autre côté du canal, ils voient déjà venir l’orage. “Tu as choisi une bonne journée”, lance Patricia (57 ans) avec un peu de cynisme. « Normalement, vous ne pouvez pas traverser la rue parce que les camions passent constamment. Ce sera une véritable catastrophe ici une fois les travaux lancés.
Forte pente
Des mesures sont envisagées pour détourner le trafic de marchandises et éviter le trafic de transit, explique Bonte. “Mais ce sera de conduire et de regarder en arrière, également en termes d’impact sur la qualité de l’air, soit dit en passant. Ce n’est pas génial, car beaucoup de vieux camions montent une pente raide. S’il y a un arrêt permanent et des files d’attente, nous devons garder un œil dessus.
Pourtant, Bonte pense qu’il est faux de ne mentionner que l’ombre du viaduc. “La taille imposante du viaduc est intimement liée à l’identité de cette ville, c’est à la fois une œuvre d’art et une prouesse technique.” Le regretté Jean-Luc Dehaene a également fait un clin d’œil dans une interview politique d’adieu depuis son appartement mansardé. “Pas mal, hein”, ça sonnait alors à propos de la vue.
Dans le quartier de Broek, cela se traduit par des réactions de mépris. Clavie précise que Dehaene vivait « là-bas ». « Je pense aussi que la tour Eiffel est un bel édifice. Mais je n’habite pas à côté.”