cBonjour Ester,
Je suis L. La mienne est une histoire d’amour très compliquée, je pense que même ma psychologue historique a levé les bras en signe de reddition. Je vais essayer d’être bref.
Je me marie à 25 ans avec le bonhomme classique, travailleur honnête et acharné. Je ne me marie pas par amour, mais pour sortir d’une situation familiale douloureuse et lourde, fortement dysfonctionnelle. Il est le seul capable de m’accepter (à l’époque ma peur était d’être seule, je n’ai jamais eu d’amis à cause de problèmes de caractère dus au contexte familial).
je mets au monde 3 enfants, la raison de ma vie. Pour moi l’amour romantique n’a jamais existéle la sexualité est le moyen de procréer, pas de passion, pas de désir pour mon mari, en effet… que du refus. Mais mon désir de créer une famille normale c’est assez fort pour me faire contourner cet aspect. Je me concentre et je ne regarde pas autour de moi, je ne cède pas aux tentations qui se présentent quand même à moi… beaucoup, pour être honnête. Je suis considérée comme une femme belle, attirante et intelligente. Des hommes, s’ils l’avaient voulu, il y en aurait eu et il en est ainsi aujourd’hui.
Je le connais, après 18 ans de mariage. Cela bouleverse ma vie, un équilibre si laborieusement conquis tombe à l’eau. Il divorce, il veut que je fasse de même. Le problème c’est que je n’en avais pas envie. J’ai essayé et essayé, pendant 8 ans, mais Je n’ai jamais pu me lier complètement avec lui c’est à me détacher complètement de mon marimême si nous sommes arrivés à séparation légale. Malgré l’amour que j’éprouvais pour lui, passionné et profond, je ne suis pas jamais pu fermer avec ma famille. Je suis arrivé àépuisement.
À la fin il est parti, fatigué de mon push and pull, de mes retours continus pour ensuite le repartir. Et moi Je suis détruit. Au bout d’un mois, il sort déjà avec une autre femme et l’idée m’est intolérable. Je me retrouve ici avec un mari dont je n’ai jamais été amoureux mais que j’ai préféré à un homme qui m’a montré plus d’amour que n’importe qui d’autre au monde et que j’ai profondément rendu, avec qui je continue à faire des comparaisons. Pourquoi l’ai-je laissé ? Il voulait m’épouser, commencer une nouvelle vie avec moi, il m’a tout donné et a prouvé l’impossible… Je ne pouvais tout simplement pas imaginer un avenir avec lui, mais je suis quand même vraiment brisé. Comment obtenir une raison ? J’ai l’impression d’avoir jeté un grand amourun vide absolu à la place du cœur, les souvenirs que j’ai sont trop nombreux et trop vifs, je n’y arrive pas.
Merci.
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La réponse d’Esther Viola
Cher L,
Bravo, vous vous posez la question de vous cogner la tête contre le mur. Pouquoi? pouquoi tu as quitté ton amantpouquoi tu as gardé le cocu que tu n’aimais paspouquoi tu as jeté le grand amour Et tu as gardé les cacahuètes en échange ? Faites comme si vous n’aviez pas les réponses. Vous les avez, vous les avez. A chaque “pourquoi ai-je fait ça?” que nous pensons manquer de logique, la logique est bien trouvée. Superfin. Nous vous connaissons, moi et votre psychologue.
L’amour et l’absurde
Disons-le comme il l’a dit César Pavese.
Pavese, dans une des lettres conclues comme suit :
« Mais où finirons-nous, E. ? Y a-t-il quelque chose de plus absurde que l’amour ? Si on en profite jusqu’au bout, on s’en lasse aussitôt, dégoûté ; si nous le brandissons pour nous en souvenir sans remords, nous regretterons un jour notre sottise et notre lâcheté de n’avoir pas osé. L’amour ne demande qu’à devenir une habitude, une vie commune, une chair à deux, et dès qu’il est tel, il est mort. Y penser rend fou ».
L’amour est sujet à la trahison
Mais non, on ne devient pas fou, je dirais à Cesare si je l’avais ici. C’est juste les bas-fonds du mariage. L’un des deux est intelligent et sait aller en mer, les connaît et s’adapte. L’autre, la plus sensible aux sollicitations, cherche quelque diversion, mais sans intentions de véritable révolution. C’est ainsi que se forme la bourgeoisie – l’une trahit, l’autre résiste – ce sont ses plaques tectoniques historiques. Le couple tiendra. Ne me dites pas que vous avez raté la lectio des vieilles femmes de ma ville dans les épisodes précédents : Peppe pour Peppe, je garde Peppe à moi.
Les vieilles femmes de mon pays se référaient aux Dasein du mâle avec le terme familier : Peppe. Un pour tous, tous égaux à un. Ainsi, vous gardez ce que vous avez déjà chez vous. On n’est pas allé dans des analyses individuelles très fines, la profondeur du pays n’attaque pas. Dans le pays, ils savent que chaque amour que Dieu envoie devant le curé est égal à l’autre, et est sujet à trahison pour l’évidence statistique.
Cela s’est dit à la campagne parmi des personnes peu éduquées, puis nous avons déménagé à la ville, nous avons étudié, et nous nous sommes convaincus que l’amour a une autre noblesse, qu’il existe sous une autre forme, une meilleure qualité que nous trouverons. Donc si nous ne le trouvons pas, nous semblons mourir.
Le rêve d’un amour et son renoncement
Cher L. Je sais qu’il n’y a pas de comparaison. Les amoureux du noir n’ont pas besoin de faire d’efforts pour la continuité. Ils ont une façade hormonale superbonus, merci beaucoup que vous voulez voir.
La vie, en revanche, est calme et même un peu misérable ailleurs, les engagements affectifs sont plus limités, on s’aime avec médiocrité, au milieu de mille machines à laver. « Tu es soit seul, soit dans un truc merdique. Cela couvre 100% des êtres humains » (Louis CK est toujours un soulagement de raconter la vie et de faire l’exceptionnellement laid juste normal).
Savez-vous pourquoi vous n’êtes pas allé au bout de votre rêve d’amour ? Parce que toi aussi tu comprends que faire des amants ça ne tient pas, L.. L’adrénaline c’est la même substance que le beurre, ça aussi ça deviendrait un mariage. C’est la nature humaine, ça devient ennuyeux. Parce qu’à la fin un chemin la vie doit vous décevoir : il doit toujours lui manquer quelque chose pour être parfaite.
Chaque amour s’effondre
Sauf si.
À moins que l’on (vous) ne commence à investir de la force dans de nombreuses autres choses qui tiennent pendant que l’amour – tout l’amour – s’effondre. Le bonheur n’est pas un événement, c’est une somme. Ce sont les bonheurs partiels qui font le tout. Pas un énorme, invincible et dominant les autres, celui des films, mais bien des petits bonheurs de combat.
Enfin, pour ma part, une pensée pour ce pauvre Christ, votre mari, qui sait tout, a tout compris et pour le moment ne s’en va pas. Il restera calme et raisonnable encore un peu, bientôt ce sera à son tour de se venger et de ne plus te vouloirla question est très mathématique. Déjà la haine bout quelque part, et bientôt tout débordera. Le Sun Tzu certains sentiments vous suggèrent de sortir rapidement des marécages de la mélancolie et de déplacer vos troupes ailleurs.
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