L’Europe a besoin de plus d’usines et de moins de dépendances


L’écrivain est président de la France

Dans quelques jours, plus de 200 dirigeants internationaux arriveront à Versailles pour participer à un événement intitulé « Choose France ». Beaucoup d’entre eux dévoileront des investissements dans des domaines stratégiques. Depuis le premier de ces événements en 2018, des milliers d’emplois et des centaines d’usines ont été créés, avec plus de 200 nouvelles usines implantées en France au cours des deux dernières années seulement.

Nous nous engageons à reconstruire l’industrie française et à renforcer notre puissance économique. Cela nous permettra de renforcer nos services publics et d’investir dans notre avenir. Nous agissons avec une détermination sans faille au niveau national, si bien qu’en 2022, selon une enquête d’EY, nous étions pour la quatrième année consécutive le pays le plus attractif d’Europe pour les investissements étrangers.

Mais cette bataille pour la réindustrialisation doit évidemment être menée aussi à l’échelle européenne.

Depuis que je suis devenu président de la France en 2017, j’ai toujours défendu l’idée de souveraineté européenne. Au début, cela a été considéré comme un vœu pieux, et parfois perçu comme trop français. Cependant, au cours des dernières années, l’UE a dû faire face à deux crises cruciales. Et, à cause de la pandémie de Covid-19 et de la guerre que la Russie a décidé d’infliger à l’Ukraine, nous avons reconnu nos dépendances stratégiques et décidé d’agir pour les réduire.

Nous, Européens, sommes parvenus à ce consensus décisif à un sommet en mars 2022, également à Versailles. Nous nous sommes mis d’accord sur l’importance de rester maîtres de notre destin et nous avons ouvert la voie à une Europe plus souveraine, avec des décisions concrètes prises en matière de défense, d’énergie et de sécurité économique.

Nous ne sommes plus naïfs. Sans compromettre notre ouverture, nous agissons pour protéger nos intérêts, notre indépendance et nos valeurs, et pour affirmer notre modèle économique et social européen.

Ce dont nous avons besoin maintenant, c’est d’un cadre global pour mettre en œuvre ce consensus européen sur la souveraineté. Je propose une doctrine basée sur cinq piliers.

Le premier pilier est le plus évident : un engagement pour la compétitivité, une plus grande intégration et l’approfondissement du marché unique de l’UE, qui est la première condition pour créer des champions européens dans les domaines des technologies propres et de l’intelligence artificielle.

En revanche, la politique industrielle, le deuxième pilier, a longtemps été taboue. Mais depuis quelques mois, nous avons revisité ce vieux concept et en avons fait un levier puissant pour relever les défis des transitions écologique et numérique, ainsi qu’à la hauteur de l’ambition de nos partenaires et concurrents.

L’European Chips Act stimulera la recherche et le développement ainsi que la production de semi-conducteurs européens. La Net Zero Industry Act simplifiera les règles existantes et stimulera les investissements et les compétences dans les technologies vertes et propres.

En mars, la Commission européenne a annoncé des modifications des règles en matière d’aides d’État afin de mieux soutenir les industries stratégiques européennes. Cela s’est accompagné d’avancées décisives dans la réforme du marché de l’électricité.

Le troisième pilier est la protection des intérêts européens vitaux et des atouts stratégiques. L’UE a, pour la première fois, créé un outil pour bloquer les acquisitions étrangères d’entreprises européennes stratégiques. Et il faut être audacieux sur la question du découplage technologique et du renforcement des contrôles à l’exportation.

Vient ensuite la réciprocité, le quatrième pilier. Cela signifie que notre programme commercial doit être à la fois ambitieux et cohérent avec nos objectifs politiques plus larges. Elle doit donc être durable, juste et équilibrée, et poursuivre des intérêts stratégiques européens clairs.

Le dernier pilier du cadre est la solidarité multilatérale. Souveraineté ne signifie pas autonomie et l’UE ne peut prospérer que dans le contexte du développement mondial. J’ai invité les pays du Sud à venir à Paris en juin pour jeter les bases d’un nouveau cadre financier international.

Nous devons mettre en œuvre cette doctrine sans tarder. Nous devons reprendre le contrôle de nos chaînes d’approvisionnement, de l’énergie et de l’innovation. Nous avons besoin de plus d’usines et de moins de dépendances. « Made in Europe » devrait être notre devise. Nous n’avons pas le choix, car la souveraineté est intimement liée à la force de nos démocraties.

Pendant des décennies, l’épine dorsale de l’économie européenne a été une classe moyenne dotée d’emplois industriels bien rémunérés, convaincue que la prochaine génération serait plus prospère que la précédente. A Versailles la semaine prochaine, et dans les mois à venir, nous, Européens, pouvons prouver que notre continent, berceau de la révolution industrielle, peut redevenir le foyer d’une industrie florissante et d’un progrès partagé.



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