« Il n’y a pas eu de frappe aérienne »: la victime de l’attentat de Marioupol apparaît soudainement dans une vidéo de propagande russe


Marianna Vishemirskaya est involontairement devenue l’actualité mondiale lorsqu’elle s’est enfuie blessée d’une maternité à Marioupol. Depuis, elle est devenue le jouet d’une âpre guerre de l’information. La nouvelle mère apparaît même maintenant dans un film de propagande diffusé sur les médias d’État russes. Elle y déclare, entre autres, qu’il n’y a jamais eu d’attaque aérienne, exactement ce que le Kremlin explique. Il n’y a pas de preuve officielle, mais il y a de fortes chances que Vishegirskaya ait été déportée sur le territoire russe. Sa déclaration semble donc avoir été prise sous la contrainte.

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Vous vous souviendrez sans doute de la photo de la femme enceinte descendant les escaliers de l’hôpital le visage ensanglanté. La Russie a d’abord qualifié la blogueuse beauté d' »actrice au maquillage convaincant ». Au fait, elle ne pouvait pas être là, car le bataillon d’extrême droite Azov de l’armée ukrainienne utilise ce bâtiment comme base », a-t-il ajouté.

Aujourd’hui, Moscou adopte une approche différente. Dans un vidéo de presque 25 minutes Vishemirskaya répond aux questions d’un blogueur russe. Elle y déclare, entre autres, que la maternité était occupée par l’armée ukrainienne. « Nous n’avons reçu aucune aide de ces soldats. Au contraire, nous avons dû renoncer à notre nourriture parce qu’ils n’avaient pas mangé depuis cinq jours.

Dans la carte de Poutine

Le 9 mars conscient, Vishemirskaya a entendu deux explosions. « Nous dormions la nuit quand tout à coup le premier coup est arrivé. Était-ce un raid aérien ? Personne n’avait apparemment entendu des avions. Donc, il devait s’agir de fusées.

En niant qu’il s’agissait d’un attentat à la bombe, Vishemirskaya fait le jeu du président Vladimir Poutine. Après tout, le Kremlin affirme que les troupes ukrainiennes ont bombardé l’hôpital depuis un bâtiment voisin. Avec une attaque aérienne, les soupçons reposeraient sur les Russes.

©AP

« Ne m’a pas écouté »

Enfin, Vishemirskaya indique qu’elle n’était pas si heureuse d’être filmée dans ces circonstances. « J’ai demandé de ne pas le faire parce que je n’étais pas prêt et que je ne voulais pas être vu comme ça. Cependant, je n’ai pas été écouté. »

Le journaliste vidéo de l’agence de presse AP dément fortement cette affirmation. « J’ai demandé comment elle allait. « Tout va bien, » répondit-elle. Elle n’a eu aucun problème avec la caméra. Le 11 mars, le lendemain de son accouchement, nous sommes retournés lui rendre visite. A aucun moment elle ou son mari n’ont indiqué qu’ils ne souhaitaient pas être filmés. »

Une deuxième femme enceinte a été photographiée après l'attentat.  Elle et son enfant n'y arriveraient pas à la fin.

Une deuxième femme enceinte a été photographiée après l’attentat. Elle et son enfant n’y arriveraient pas à la fin. ©AP

« On entend l’avion »

Mstyslav Chernov souligne également que le matériel vidéo contient effectivement le son d’un avion. « Un policier et un militaire ont immédiatement parlé d’un raid aérien. Quand on a entendu le bang, on a commencé à filmer au douzième étage d’un immeuble. Au loin, nous apercevons deux gros panaches de fumée. Il nous a fallu 25 minutes pour atteindre l’hôpital. Pendant ce temps, un avion survolait toutes les dix à quinze minutes et des raids aériens avaient lieu dans toute la ville.

Jamais directement dans la caméra

Il est impossible de savoir où réside actuellement Vishemirskaya. On soupçonne qu’elle – comme des milliers d’autres habitants de Marioupol – a été expulsée vers la Russie ou les régions séparatistes de Lougansk et de Donetsk.


On remarque que durant son long monologue, la femme ne regarde jamais droit dans la caméra. Un signe qu’elle ne se tient pas derrière ses propres mots et agit donc sous la contrainte ? Ce ne serait pas la première fois que la Russie utilise des visages familiers de la guerre à des fins de propagande. En 2016, personne n’était indifférent à la vue d’un garçon syrien qui avait survécu à un bombardement russe à Alep. Quelques mois plus tard, il est apparu en riant sur les chaînes de télévision syriennes et russes.

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