Il y a sans aucun doute des gens qui méritent plus de pitié que De Croo et Bracke, mais quelque chose d’étrange se passe ici

Bart Eeckhout est commentateur en chef de Le matin.

Bart Eeckhout

La Chambre veut récupérer les indemnités supplémentaires des anciens présidents à la retraite Herman De Croo (Open Vld) et Siegfried Bracke (N-VA). Il n’y avait plus beaucoup de choix, après qu’un avis juridique ait montré que les suppléments faisaient bien partie des droits à pension et qu’ils étaient illégaux.

Il y a sans doute des gens qui méritent plus de pitié que MM. De Croo et Bracke, mais quelque chose d’étrange se passe ici. Il est vrai que les anciens présidents de parlement ont, sans grand scrupule, accepté une prime royale qui contraste assez fortement avec ce que le Belge moyen peut attendre de sa pension légale. Mais ils n’ont rien approprié qui n’ait été légalement convenu et approuvé dans le budget annuel à la majorité de la Chambre. Il faut donc au moins oser établir que la Chambre elle-même a créé et permis l’illégalité, dont elle veut maintenant se débarrasser comme la foudre graissée.

Bien sûr, Herman De Croo et Siegfried Bracke sont désormais les croque-mitaines spectaculaires de cette histoire, mais le problème moral du parlement ne se limite pas à cela. Que penser, par exemple, des hauts fonctionnaires de la Chambre des représentants qui s’étaient eux aussi arrangé une généreuse indemnité de départ ? C’est un mystère quelle performance exceptionnelle ils ont accomplie et quelle charge physique ou mentale exceptionnelle ils ont dû supporter pour justifier une telle compensation exceptionnelle. Il n’y a aucune raison pour que ces fonctionnaires soient rémunérés différemment de leurs collègues des autres institutions gouvernementales.

L’affaire De Croo-Bracke montre que le Parlement est une institution qui s’occupe d’elle-même. Cela ne vaut pas un euro. Pas pour le président, pas pour les hauts fonctionnaires, mais pas non plus pour l’univers des vice-présidents, des membres du bureau, des questeurs et de tout ce que vous avez de postes auto-créés qui lient une modeste responsabilité supplémentaire à une rémunération supplémentaire généreuse. Les différentes parties peuvent difficilement dire qu’elles sont maintenant choquées d’entendre cela. Ils partagent tous du pot. Soit pour donner une prime à un député fidèle, soit comme une autre source de financement du parti.

Et ce qui s’applique à la Chambre s’applique également aux parlements des États fédéraux. Ils ont tous copié la même méthode et ont tous créé le même danger moral qui survient lorsque vous avez vous-même accès au trésor. Ou a-t-on déjà oublié que le parlement de la Région wallonne quasiment en faillite s’est fait construire pour quelques millions un tunnel entre le garage et l’assemblée, à l’usage exclusif des parlementaires ?

C’est vrai que la politique est devenue austère et c’est vrai aussi qu’il ne faut pas souhaiter des politiciens sans le sou. Mais tant que les excès et les échappatoires continueront d’apparaître, les citoyens se méfieront de leurs politiciens. Parce qu’ils imposent des règles à la société qu’ils parviennent à échapper eux-mêmes. Ceux qui veulent gagner la confiance devront faire preuve de sens des responsabilités.



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