La « profession populaire » propagée par la N-VA est très similaire au plan israélien. Là, c’est juste un autre mot pour la destruction de l’état de droit

Bart Eeckhout est commentateur en chef de Le matin.

Bart Eeckhout

Pendant des semaines, des milliers d’Israéliens sont descendus dans la rue pour protester contre les projets du gouvernement Netanyahu de réformer le système judiciaire. Le Premier ministre Netanyahu veut limiter le droit de la Cour suprême de contrôler la législation et il veut donner le dernier mot au parlement si cette cour empêche néanmoins la politique souhaitée. En passant, le Premier ministre veut empêcher le tribunal de bloquer une loi qui lui confère l’immunité de poursuites – cela aussi, bien sûr.

Il faut bien qu’il y ait quelque chose dans l’air, car maintenant la N-VA veut emprunter la même voie dans ce pays. L’ « appel populaire » que le parti promeut ressemble fortement au plan israélien. Ici aussi, l’intention est de couper les ailes de la Cour constitutionnelle : si une majorité des deux tiers à la Chambre ou dans les parlements des États le souhaite, elle doit pouvoir écarter une objection de la Cour. Par exemple, la N-VA affirme vouloir contrer la soi-disant « juristocratie » (un système qui accorde le pouvoir ultime aux juges).

La N-VA a trouvé l’inspiration pour cette lutte dans le sociologue Mark Elchardus, dont le livre Réinitialiser comme une sorte d’évangile a été reçu par les nationalistes flamands. L’idée de la profession folklorique vient de ce livre. Elchardus vise principalement les cours européennes de justice et des droits de l’homme, qui imposeraient une politique migratoire trop libérale aux États membres de l’UE, ce qui est en contradiction avec ce que les gens veulent. Un appel populaire doit redonner à ce peuple, par l’intermédiaire des parlements, le droit d’avoir à nouveau le dernier mot sur la loi.

C’est en soi un noble principe. Dans une démocratie, la législation appartient à la représentation du peuple souverain. Il n’y a rien de progressiste à vouloir transférer ce pouvoir aux tribunaux. Mais quelque chose d’autre est en jeu ici. La N-VA prétend s’inspirer d’un système similaire au Canada, mais en réalité il y a un grand parallèle avec les développements récents en Hongrie, en Pologne et maintenant aussi en Israël. La «volonté du peuple» n’est qu’un autre mot pour la destruction de l’État de droit.

Dans un État démocratique régi par l’État de droit, le pouvoir judiciaire garantit que la volonté de la majorité ne se transforme pas en tyrannie contre la minorité. Le XXe siècle nous a appris que les risques sont réels si une majorité ne peut plus être freinée. Ce n’est pas parce que ces excès sont passés depuis longtemps qu’il faut les oublier.

Cela ne veut pas dire que nous devrions simplement rejeter la critique selon laquelle les juges prennent trop de place pour interpréter les lois. Mais si c’est le cas, il existe une solution simple : faire de meilleures lois. La vérité est que les gouvernements et les parlements adoptent souvent délibérément des textes législatifs vagues sur des questions difficiles, afin de passer la patate chaude. Il est alors assez facile de rejeter la faute sur les autorités qui doivent comprendre et appliquer cette loi.

Rien n’empêche le parlement de reprendre le pouvoir sur une législation claire et précise. Il n’est pas nécessaire de remettre en cause la séparation des pouvoirs.



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