Il y a des choses que vous remarquerez lorsque vous aurez à y faire face. Déformation professionnelle. Si, comme moi, vous devez parfois vous injecter une intraveineuse dans un hôpital, vous courez le risque de voir des vaisseaux sanguins partout dans le paysage de la rue. Des ouvriers du BTP avec des panoplies de câbles posés sur leurs avant-bras musclés, une femme maigre derrière un déambulateur à la peau si lâche que les tonneaux roulent dans tous les sens. Il continue de me fasciner involontairement.

J’ai toujours apprécié. Il y a peu de choses qui peuvent rendre les patients heureux à l’hôpital aussi rapidement qu’avec une injection bien ciblée. L’acte semble banal. C’est le moment où vous attrapez un tabouret à côté du lit, laissez le garrot faire son travail et entre-temps apercevez toute une vie. Lorsque vous attrapez la main de quelqu’un pour la piquer, le réflexe naturel est de tendre les muscles. Une main ou un bras tendu ne peut pas être percé. Il est donc important d’établir un lien de confiance, malgré le fait que vous vous apprêtez à blesser quelqu’un.

Il n’y a pas d’aiguille dans ton bras

La méthode d’administration de médicaments par voie sanguine ou, à l’inverse, de prélèvement de sang « contaminé » existe en médecine depuis plusieurs siècles. Le principe est simple. Une infusion consiste en une aiguille dont l’épaisseur peut varier de 14 à 24 Birmingham Gauge (un système de mesure bizarre provenant de l’industrie du fer britannique du XIXe siècle) où le nombre le plus bas décrit le plus grand diamètre et donc le plus de liquide peut être administré par minute. En pratique, on l’appelle généralement ‘un bleu’ ou ‘un rose’. L’aiguille est enveloppée dans un manchon en plastique qui, après avoir percé un vaisseau, est partiellement poussé dans le vaisseau sanguin et peut être connecté à un système de perfusion. Contrairement à ce que pensent encore certains patients qui gardent anxieusement leur bras intraveineux, il n’y a plus d’aiguille dans votre bras.

L’acte semble banal jusqu’à ce qu’il échoue. Un bambin farfelu de deux ans avec un empoisonnement du sang dans lequel aucun vaisseau ne peut être vu ou ressenti. Un patient avec de graves brûlures et seulement quelques vaisseaux restants sur un petit pied sont une option. Et surtout, pour nous chirurgiens et futurs chirurgiens, l’accès nécessaire pour un patient gravement malade avec une perforation gastrique ou une artère éclatée que nous préférons opérer après qu’il ait été anesthésié par voie intraveineuse. Ensuite, même si nous n’aimons pas l’admettre, les anesthésistes sont les vrais artisans.



ttn-fr-33