EST une rencontre de regards, d’yeux qui se reconnaissent, de mains qui se serrent pour sceller un pacte, un passage de témoin qui écrit l’histoire. Deux femmes se profilent entourées d’hommes en arrière-plan alors qu’elles se succèdent au sommet de l’une des plus importantes institutions du monde.
Nous sommes le 18 juillet 1979 et les protagonistes de ce moment sont Louise Weiss, Doyen du premier Parlement européen élu au suffrage universel, désigné pour présider provisoirement l’Assemblée jusqu’à l’élection de celui qui la dirigerait définitivement, et Simone Veil, premier président du Parlement européen légitimée par le vote populaire et la première femme à la présider.
Les femmes qui ont fait l’Europe
Pour Veil, qui avait survécu à l’horreur de la Shoah et de la guerre, déportée dans les camps d’extermination nazis à l’âge de dix-sept ans parce qu’elle était juive, l’Europe était synonyme d’espoir, de réconciliation. Pas seulement. Egalement lieu de transformations et de changements à partir de ceux concernant le rôle des femmes dans la société.
Elle avait apporté sa contribution. Magistrat, ministre de la Santé et mère de trois enfants, elle a toujours été prête à soutenir les combats des femmes. Comme quand il s’était battu pour le lancer en 1975 »la loi Veil», la loi sur l’avortement qui a légalisé l’avortement en France dans les dix premières semaines.
Et même au Parlement européen, il ne suffisait pas d’identifier immédiatement les engagements auxquels l’Europe devrait faire face : la paix, la liberté, le bien-être. Il a estimé que l’heure était également venue pour un autre grand défi : celui de l’égalité des sexes. Juste sous sa présidence la première commission d’enquête sur la condition des femmes en Europe est lancéedont est née en 1984 la Commission permanente des droits de la femme et de l’égalité des chances.
Louise Weiss
Louise Weiss n’était pas différente. « Journaliste, écrivain, cinéaste, dont la foi n’a jamais été trahie par l’encre ou les images, il me semble, en ce moment, avoir traversé ce siècle et sillonné le monde pour vous rencontrer en amoureux de l’Europe » : c’est comment elle s’est définie dans le discours inaugural prononcé à l’âge de 86 ans, considéré parmi les plus beaux de l’histoire du Parlement européen.
Le siège de l’hémicycle parlementaire et les bureaux des députés et députées à Strasbourg portent son nom. voyageur infatigable, il avait parcouru le monde pour faire ses reportages. Déjà pendant la Grande Guerre, il a diffusé ses idées sur une union fédérale européenne, un marché, une culture commune et une monnaie unique. Suffragette et pacifisteétait devenu, pendant la Seconde Guerre mondiale, partisan puis se lancer dans une carrière politique.
Veil et Weiss font partie de ce groupe de femmes qu’avec prévoyance et audace ils ont contribué à concevoir et à construire le projet européen.
Ada et Ursula derrière le Manifeste de Ventotene
Cette année l’Union célèbre deux anniversaires importants: les 30 ans depuis la mise en place du marché unique, lorsque la libre circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux est devenue une réalité, et les trois décennies depuis que le projet supranational a pris ce nom.
Mais longtemps son histoire s’est surtout déclinée au masculinpresque toujours liés uniquement aux noms de ceux que l’on appelle les Pères Fondateurs tels que Altiero Spinelli, Alcide de Gasperi, Jean Monnet. A leur niveau, cependant, il y a eu des femmes qui ont apporté une contribution fondamentale, dont l’engagement mérite d’être sorti définitivement de l’oubli.
Pères fondateurs et mères fondatrices
«Le terme Mères Fondatrices est une question de principe» écrit le chercheur Maria Pia DiNonno dans le livre qu’elle a édité Les mères fondatrices de l’Europe (éd. Nouvelle Culture). Le texte résume les principaux résultats du projet homonyme financé par l’appel à lancement de recherche 2016 de Sapienza, Université de Rome, visant à redonner la mémoire aux femmes protagonistes du rêve européen.
Pour bien faire comprendre qu’ils sont là aussi. Des femmes courageuses comme Ada Rossi Et Ursule Hirschmann qui ont été décisifs pour la diffusion de la Manifeste de Ventotene, le document qui a inspiré la construction d’une Europe unie. Ces deux audacieux combattants antifascistes, contrairement à leurs maris, dissidents politiques Ernesto Rossi et Eugène Colorni condamnés à l’internement sur l’île de Ventotene, ils n’ont pas purgé de mesures restrictives et ont bénéficié d’une plus grande liberté de mouvement.
Groupe Femmes pour l’Europe
Ils mettent leur vie en danger, défiant la police fasciste pour faire sortir de l’île les écrits pro-européens cachés à l’intérieur d’un poulet, dans les bretelles de vêtements ou dans les doubles parois d’une boîte. C’est surtout Hirschmann qui a contribué première personne à élaborer le Manifeste et à s’occuper de le faire connaître en Italie et en Europe, elle fut la véritable fondatrice du mouvement fédéraliste européen. Même celui qui deviendra son compagnon Altiero Spinelli, considéré comme l’un des plus grands partisans de l’idéal pro-européen, l’a reconnu.
Un engagement politique que Hirschmann poursuivra jusque dans les années 70 avec la fondation du groupe Women for Europe promouvoir la participation active des femmes aux processus de construction européenne. Les travaux se sont poursuivis de La journaliste italienne Fausta Deshormes La Vallecréateur du service Informations européennes pour les femmes. Militante infatigable, elle fut aussi l’une des mères de Lobby européen des femmesla plus grande coalition d’organisations, de mouvements et de groupes féministes et de femmes dans l’Union européenne.
Le principe d’égalité en Europe
Ils sont aussi italiens Fabrizia Baduel Glorieuse, syndicaliste et première femme à présider le Comité économique et social européen. Et Sophie Corradile savant à qui l’on doit l’idée du programme universitaire de Échange culturel Erasmus.
POUR Éliane Vogel Polsky, juriste belge, il faut plutôt reconnaître l’applicabilité directe de l’article 119 du traité CEE, relatif à l’égalité salariale entre hommes et femmes. Polsky, a défendu l’hôtesse Gabrielle Defrenne, licenciée à quarante ans, alors que ses collègues masculins pouvaient continuer à travailler jusqu’à 55 ans. Et elle a aussi réussi à obtenir l’identification, par la Cour de justice européenne, du principe d’égalité et de non-discrimination en tant que droit fondamental de l’UE.
Du pédagogue au parlementaire
« Nous les appelons “pionnières” car nous voyons en elles des femmes capables d’ouvrir de nouvelles voies. […]. Entrer dans leurs histoires a pour effet de nous faire sentir proches même dans des temps lointains. Pour cela, nous pensons que tous pourraient inspirer énergiquement les façons de penser et d’agir de ceux qui vivent aujourd’hui” écrivent-ils Pina Caporaso Et Julia Mirandoleauteurs de Pionnière-Les femmes qui ont fait l’Europe (Sept Neuf).
C’est un livre-atelier, illustré par Michela Nanut, qui stimule la connaissance des contribution fondamentale des femmes à l’histoire d’une Europe unie. Il propose 11 biographies de merveilleux précurseursde la période de la Résistance à nos jours, entrecoupées d’éclairs historiques.
À partir de Anna Siemsen, éducateur, homme politique et journaliste allemand qui rêvait de l’union des peuples européens. Jusqu’à ce que vous arriviez à Jo Cox, l’eurodéputée britannique tuée par un extrémiste anti-européen pour s’être mobilisé en faveur de la permanence du Royaume-Uni dans l’Union européenne.
Des femmes tenaces et résolues qui s’engagent construire la forge multiculturelle et plurilingue qu’est l’Europelieu de progrès, de valorisation de la diversité, d’intégration et de paix.
Connaître leurs histoires peut nous aider à faire revivre l’esprit authentique qui les animait et qu’il ne faut pas perdre, il faut toujours le garder vivant. Malgré les scandales, les critiques et les tentatives de sabotage, continuer à construire le présent et l’avenir des espaces matériels et immatériels que nous habitons.
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