Renzi-Berlusconi : est-ce un vrai rapprochement ? L’héritage du chevalier est en jeu. Voici les scénarios

« J’ai toujours respecté Matteo Renzi et j’ai toujours pensé qu’il jouait dans une mi-temps qui n’était pas la sienne. Certes, s’il le voulait, nous pourrions travailler en harmonie sur différents thèmes. Mais les Italiens ont choisi aux élections par qui ils veulent être gouvernés».

Les compliments de Berlusconi à Renzi : une « amitié » qui remonte à 2010

Ce n’est pas une déclaration du sen évadé, celle de Silvio Berlusconi livrée à Corriere della Sera. En fait, l’admiration pour Renzi remonte à il y a de nombreuses années, lorsque le leader d’Italia Viva était Premier ministre et secrétaire du Parti démocrate, et même plus tôt, lorsque Berlusconi, Premier ministre, a reçu le simple maire de Florence à Arcore, provoquant des réactions indignées chez les démocrates (c’était en décembre 2010 et le Chevalier a dit à Renzi la fameuse phrase « tu me ressembles »). Et plus d’une fois dans les années suivantes, l’ancien dirigeant de Forza Italia, dans la recherche permanente d’un possible successeur qui n’est jamais arrivé, s’est laissé aller à des mots flatteurs envers le jeune opposant politique : « Il a la chique, il pourrait être il est mon héritier à la tête du centre-droit, c’est dommage qu’il se soit trompé de terrain de jeu» etc… Rien de nouveau donc ? Pas vraiment, car le fait que la main vers Renzi se tende à nouveau en ce moment, dans un moment de forte tension au sein de la majorité et notamment entre Forza Italia et le Premier ministre Giorgia Meloni, n’est pas fortuit. Berlusconi veut envoyer un signal clair à son héritier, accusé sans même trop de faux-semblants de mépris : nous sommes nécessaires à la continuation du gouvernement et donc vous devez nous écouter. Sinon….

Parlez à la belle-fille (Renzi) parce que la belle-mère (Meloni) comprend

Dans le même entretien avec Corriere della Sera dans lequel il lance ses louanges à Renzi, en effet, Berlusconi dit à Meloni deux choses : « je suis le seul garant de la ligne politique de mon parti » et « Meloni sait que si vous avez besoin de mon avis, je suis là ». Et donc il appelle à un plus grand partage des choix : « A l’avenir, certains mécanismes de décision devront être mieux développés, avec un partage en amont, en évitant que les problèmes ne retombent sur le travail du Parlement ». Dans ce contexte, flatter Renzi a donc pour Berlusconi le double effet de diviser l’opposition encore plus qu’elle ne l’est déjà (dépeindre Renzi en ami du centre-droit éloigne davantage le Troisième Pôle d’un Pd toujours sensible aux sirènes des M5 ) et de « menacer » le Premier ministre Meloni sur la possibilité d’autres voies politiques pour son Forza Italia. Berlusconi, qui ces derniers jours a eu l’occasion de se plaindre du manque de postes institutionnels, demande en somme à son héritier de facto, même s’il n’est pas électif, considération et gratitude.

Renzi joue le jeu et rend les mots d’estime: « Meloni ingrat »

Renzi pour sa part est de la partie. Et ce n’est pas un hasard s’il souligne son respect pour le dirigeant âgé de Forza Italia en utilisant le mot même gratitude. « Berlusconi est Berlusconi : vous pouvez l’aimer, vous pouvez le détester, mais vous savez qui il est. Et aussi pour cette raison que je trouve peu généreux les huées que Piazza della Meloni lui a réservées – dit Renzi en référence au mauvais accueil fait au Cavaliere dimanche dernier, à l’occasion du dixième anniversaire des Frères d’Italie -. Je n’ai jamais voté pour Berlusconi, mais voir le leader historique de centre-droit hué par ceux qu’il aide à maintenir au gouvernement m’a semblé politiquement myope et humainement peu généreux. Sans Forza Italia, Meloni rentre chez lui. Et ceux qui huent Berlusconi devraient se rappeler qu’ils lui doivent tout. »

Le but n’est pas de devenir majoritaire mais de déboîter le système bipolaire

Renzi ne cache alors pas une convergence des enjeux avec Berlusconi : du Mes à la justice que le ministre Carlo Nordio veut réformer dans un sens garant, les points communs sont nombreux. Et en cela Renzi se distingue aussi du co-dirigeant du troisième pôle Carlo Calenda, qui a une attitude d’ouverture plus envers Meloni qu’envers Berlusconi. Mais, au-delà des divergences entre eux, où veulent en venir les deux leaders centristes ? Bien sûr, le but n’est pas, comme le prétendent malicieusement leurs détracteurs du M5 et du Parti démocrate, de rejoindre la majorité melonienne. Bien au contraire : faire exploser une bipolarité qu’ils jugent fausse pour créer un grand espace au centre qui sera décisif dans le futur paysage politique. Et il est clair que les deux pointent vers les votes des modérés du centre-droit, votes que seule la personnalité de Berlusconi maintient désormais liée au train en marche de Meloni (et d’un Salvini en voie de disparition), mais que lorsque Berlusconi est parti, ils pourrait être une sortie libre.



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