Une réforme des retraites dans l’impasse, une interdiction « réglée » de la publicité des jeux d’argent soudainement remise en cause et les jeunes verts réclamant la démission de la secrétaire d’Etat Nicole de Moor (CD&V). La déconfiture de Vivaldi se poursuit sans relâche.

Anne De Boeck

« Dans cette situation, la position de Mme De Moor en tant que secrétaire d’État est intenable. » Les coprésidents de Jong Groen, Kilian Vandenhirtz et Laura Schuyesmans, ont envoyé dimanche un ultimatum strict à la secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration Nicole De Moor (cd&v). Si elle n’a pas trouvé de solution structurelle à la crise de l’accueil d’ici le 25 décembre, elle devra démissionner du gouvernement fédéral. La raison en est les demandeurs d’asile qui dorment dans la rue dans un froid glacial.

L’ultimatum est un compromis entre le département jeunesse et le parti parent Groen. S’il n’en tenait qu’aux jeunes, un appel à la chute du gouvernement Vivaldi a déjà été lancé en fin de semaine dernière. La frustration des rangs verts face à l’absence de « solution humaine » est donc grande. « Nos membres sont en effet très inquiets », a déclaré la vice-première ministre Petra De Sutter Le septième jouroù elle n’a certes pas approuvé l’ultimatum.

Ce n’est pas que De Moor soit inactif depuis le début de la crise de l’accueil. Vendredi dernier, elle a donné au cabinet central la garantie qu’il y aura suffisamment de lits disponibles pour donner à chacun un endroit où dormir. Mais selon les verts, et selon le plus grand parti gouvernemental PS, De Moor ne tient pas suffisamment compte des sensibilités de leurs partisans de gauche. « Cette politique de droite ne convient pas à un gouvernement avec autant de partis progressistes », a déclaré Jong Groen.

Les retombées sur De Moor sont les dernières d’une série de conflits qui se sont déroulés au sein du gouvernement De Croo ces derniers jours. Chacun d’entre eux est le symptôme d’un gouvernement où la méfiance les uns envers les autres et l’envie de marquer des buts envers la base rendent peu à peu impossible tout compromis. Une telle impasse survient souvent à l’approche des élections, mais dans ce cas, le gouvernement a encore un an et demi devant lui. De plus, les travaux sont loin d’être terminés. Ils ont promis de travailler sur un certain nombre de réformes majeures, notamment celles des retraites, du marché du travail et de la fiscalité.

Abus de confiance

Vendredi dernier, il y avait déjà un sérieux clash entre le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) et les ministres PS Karine Lalieux et Pierre-Yves Dermagne. La raison en était un mémorandum de De Croo avec un certain nombre de propositions pour ajuster la réforme des retraites qui a été rejetée l’été dernier. L’accord d’été a introduit, entre autres, une prime de retraite de 300 à 500 euros nets par an pour ceux qui continuent volontairement à travailler au-delà de l’âge de la retraite anticipée, et une pension plus élevée pour ceux qui cumulent travail à temps partiel et famille.

Ce premier accord a déjà coûté du sang, de la sueur et des larmes, mais selon la Commission européenne, le gouvernement a dû refaire ses devoirs. En effet, la réforme ferait encore dérailler les coûts du vieillissement, alors que l’objectif était de les maîtriser. Sans réformes structurelles, la Commission menace de retenir 850 millions d’euros d’aide à la relance promise. Cela signifierait une ligne à travers le projet de loi et un embarras international.

De Croo propose, entre autres, de durcir les conditions pour bénéficier d’un bonus de pension. Seuls ceux qui gagnent moins de 4 000 euros bruts par mois seraient éligibles. De plus, il veut couper certains régimes favorables aux fonctionnaires. Par exemple, il laisserait disparaître le système de « péréquation », par lequel les pensions des fonctionnaires augmentent automatiquement avec les salaires des fonctionnaires. Il calculerait également leurs pensions sur la base des quinze dernières années de leur carrière, et non des dix dernières. C’est donc légèrement inférieur.

Le PS frémit à l’idée de toucher aux droits à pension acquis. Le parti a même parlé d’un « abus de confiance » vendredi car De Croo aurait dépassé le ministre des retraites Lalieux avec son mémorandum. Fondamentalement, cependant, le problème est plus profond. Ces dernières semaines, le PS s’est retrouvé mêlé à deux affaires qui ternissent l’image du parti : le voyage de luxe de l’ancien président du Parlement wallon Jean-Claude Marcourt à Dubaï et le scandale des fraudes au Parlement européen. Magnette sent le PTB d’extrême gauche respirer dans son cou.

Jusqu’au dernier centimètre

Que la nerveuse Magnette ne soit pas la seule à avoir peur de faire des compromis, l’a également montré vendredi la farce entourant l’interdiction de la publicité des jeux d’argent, pas même un dossier de réforme majeur pour le gouvernement. Peu de temps après que le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open Vld) ait annoncé un accord sur cette interdiction, le président du MR Georges-Louis Bouchez a froidement noté qu’il n’y avait pas d’accord. A quoi le Premier ministre lui-même a précisé que l’accord avait été conclu « jusqu’au dernier centimètre ».

De Croo, elle-même fragilisée par la débâcle entourant le limogeage de la secrétaire d’Etat Eva De Bleeker (Open Vld), ne peut que conclure que désormais c’est chacun pour soi. Il en va de même pour lui-même. La semaine qui vient sera suant lors du débat sur le budget à la Chambre. Vient ensuite la préparation de la révision du budget en mars, où les chiffres doivent être remis en ordre. Ce n’est qu’alors que l’on saura si les partenaires de la coalition accorderont quoi que ce soit à ce Premier ministre.



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