Pouvons-nous être sûrs que l’État traitera nos données sensibles avec soin ? Anvers nous apprend à ne pas

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Bart Eeckhout

Il ne faut pas être trop léger sur la cyberattaque qui s’est emparée des services de la ville d’Anvers. L’« otage des données » dure maintenant depuis une semaine et la fin ne semble pas en vue. Même selon les normes internationales, l’attaque réussie contre le système informatique d’Anvers – une ville d’un demi-million d’habitants – est assez robuste.

Il est remarquable de constater avec quelle facilité le maire Bart De Wever (N-VA) – en tant que chef de l’opposition nationale pourtant omniprésent dans le débat public – parvient à éviter toutes les questions pour plus d’explications pour le moment. Si cela s’était produit à Bruxelles, les pages d’opinion auraient déjà été pleines d’appels à placer la ville sous tutelle à cause de tant de mauvaise gestion.

Cependant, se moquer de la situation d’Anvers n’est pas souhaitable. Les experts établissent un parallèle avec la cyberattaque de 2019 contre la ville américaine de Baltimore, dont la taille est comparable à celle de la ville de l’Escaut. Tout n’est pas encore connu, mais on espère pour Anvers que cette comparaison s’avérera prématurée. À Baltimore, les services municipaux sont devenus noirs pendant des mois. La restauration du réseau a coûté à la ville américaine la somme faramineuse de 18 millions de dollars.

Pour l’heure, l’Anversois vit principalement les conséquences de l’attaque en surface. Les services de la ville ne sont pas joignables par e-mail, l’emprunt de livres dans les bibliothèques n’est pas possible et les réservations numériques ne peuvent pas être effectuées dans les parcs de recyclage, les services environnementaux ou les garderies, entre autres. Embarrassant et ennuyeux, surtout pour les gens de l’administration elle-même, qui doivent se contenter d’un crayon, d’un stylo et d’adresses e-mail privées.

Ce n’est pas tout. Le collectif de hackers Play revendique l’attaque, prétendant détenir un demi-téraoctet de données en otage. Si la ville ne se conforme pas, les pirates menacent de rendre les données publiques. Il s’agirait des informations personnelles des citoyens, des données sur les passeports, les cartes d’identité et les documents financiers. La menace contre la ville est donc une menace contre ses citoyens.

Cela demande une profonde réflexion de la part des Anversois comme des non-Anversois. De plus en plus de gouvernements exigent le droit de stocker numériquement les données privées des citoyens. Pouvons-nous faire confiance à l’État pour gérer ces données sensibles avec soin ? Anvers nous apprend que la réponse est non.

La cybercriminalité est la branche de l’arbre de la criminalité internationale qui connaît la croissance la plus rapide. Le braquage de banque a été remplacé par le braquage de la salle des serveurs : peu importe la commodité, peu importe la rentabilité et les dommages numériques causés peuvent être immenses.

L’attaque réussie des systèmes d’Anvers devrait déclencher toutes les sonnettes d’alarme bien au-delà des limites de la ville. Les gouvernements, petits et grands, veulent faire le saut vers l’avenir numérique avec la reconnaissance des caméras, les empreintes digitales et tout ce que la technologie rend possible. Peut-être qu’en tant que citoyens, nous devrions dire merci pour cela. Que l’administration donne d’abord la garantie qu’elle peut également protéger au mieux les données collectées sur notre vie privée.



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