Retraites et augmentation des dépenses publiques : la Belgique fait désormais partie du « Club Med » d’Europe. Comment allons-nous ressentir ce mauvais budget?


Aujourd’hui, la Commission européenne se prononce sur le budget belge. L’UE menace de ne pas verser le milliard d’euros d’aide à la relance promise. Les chiffres sanguinaires du budget belge ne menacent pas de rester sans conséquences. Nous ferions même pire que de nombreux pays du sud de l’Europe que l’on surnomme avec dérision « Club Med ». Comment ce mauvais budget y coupe-t-il? Le professeur de finances publiques Herman Matthijs (UGent) explique à quel point nous sommes susceptibles de ressentir cela.

Lorenzo Terrière

La semaine dernière, c’était à outrance entre le Premier ministre Alexander De Croo et la secrétaire d’Etat au Budget Eva De Bleecker (tous deux Open Vld). En octobre, le gouvernement fédéral a convenu que le déficit budgétaire belge passerait à 5,8 % du produit intérieur brut en 2023. Mais De Bleeker a présenté un budget avec un déficit encore plus important de 6,1 %. Converti, cela représente une somme annuelle de 33,5 à 35 milliards d’euros, soit le double du coût annuel total de l’enseignement flamand (17,5 milliards d’euros). De Bleeker a eu le bout du bâton.

Quoi qu’il en soit, dans les deux scénarios, le gouvernement fédéral poursuit l’Union européenne avec des chiffres rouge sang. L’Europe surveille de près les recettes et les dépenses de ses États membres depuis des années.

Pour maintenir son marché unique et l’euro à flot, l’accord est que chacun fasse preuve de discipline. Un déficit annuel supérieur à 3 % du produit intérieur brut (PIB) est donc en réalité pas fini, mais la Belgique plonge désormais deux fois plus dans le rouge. Pendant la pandémie, l’UE a fermé les yeux sur cela, mais cette politique de tolérance touche progressivement à sa fin.

Sous surveillance plus stricte

Plonger sous le seuil de douleur de 3% est une chose, mais en 2023 la Belgique sera la dernière en Europe. Cela fonctionne comme un chiffon rouge à un taureau à la Commission européenne. Les rapports pays qu’elle a récemment publiés montrent que le budget belge va encore baisser de -5,2% en 2022 à -5,8% en 2023 – un ex aequo pour la lanterne rouge avec la Slovaquie. En 2024, nous partageons la triste scène avec la Hongrie et la Pologne – deux pays qui ressentent pleinement les effets négatifs de la guerre en Ukraine à leur porte dérobée.

La Belgique peut-elle s’attendre à un penalty ? Le professeur de finances publiques Herman Matthijs (UGent) ne voit pas les choses avancer à un tel rythme : « L’Union européenne placera la Belgique sous une tutelle budgétaire plus stricte. Nous serons blâmés, mais cela ne conduira peut-être pas à de véritables sanctions ou amendes: alors davantage d’États membres devraient les recevoir.»

Mais comment se fait-il que nous soyons descendus au pire élève de la classe ? Dans son rapport, la Commission souligne l’augmentation rapide des dépenses publiques. Le gouvernement fédéral fournit un soutien corona et énergétique à tout le monde. Mais le système de primes et de chèques n’est pas suffisamment axé sur les entreprises et les familles qui en ont vraiment besoin, ce qui signifie qu’il s’agit également de mesures très coûteuses.

Bovendien wil de EU dringend meer hervormingen op de lange termijn zien, zegt Matthijs: “Iedereen die minder dan 5.200 euro bruto verdient per maand, krijgt deze winter een energiepremie, maar structureel worden er te weinig maatregelen genomen om onze eigen energievoorziening te verzekeren in de futur. »

L’un des principaux problèmes en suspens est le projet de loi sur le vieillissement. La réforme des retraites de la ministre Karine Lalieux (PS) coûte plus d’argent qu’elle ne rapporte, selon de nouveaux calculs de sa propre administration.

En même temps, il est difficile d’économiser sur nos retraites, Matthijs le sait : « Une telle réforme des retraites est électoralement difficile : en 2020, la Belgique comptait déjà plus de 2,5 millions de retraités indemnisés. C’est un groupe d’électeurs de plus en plus nombreux qu’il est difficile d’offenser, surtout à 18 mois des élections de mai 2024. »

Pire que ‘Club Med’

Mais cette embrouille est une épine dans le pied de la Commission européenne : elle ne veut pas allouer un milliard d’euros de soutien économique prévu du fonds de relance corona à la Belgique. Un autre revers pour notre budget. Le professeur Matthijs pense que nous sommes progressivement moins bien lotis que les pays du sud de l’Europe : « L’Espagne et l’Italie reçoivent chacune environ 70 milliards d’euros de ce fonds. La Belgique ne reçoit que 4,2 milliards, alors que nous mettons 8 milliards annuellement dans la cagnotte européenne.

Pendant des années, les Belges ont plaisanté sur le « Club Med », le groupe de pays du sud de l’Europe où la situation financière est encore pire. Nous préférons nous comparer aux pays voisins comme les Pays-Bas et l’Allemagne. Mais si l’on regarde la montagne historique de dettes par pays, la Belgique est aujourd’hui moins bien lotie que le ‘Club Med’, estime la Commission européenne. Alors que la Grèce, l’Espagne, le Portugal et la France réduisent leur dette publique, celle de la Belgique continuera d’augmenter dans les années suivantes pour atteindre 109% du PIB en 2024. En valeur absolue, nous ne sommes pas encore au niveau de la Grèce (156% du PIB). PIB), mais la tendance est à la baisse.

La dette nationale croissante s’est récemment accompagnée d’un prix plus élevé. Parce que les taux d’intérêt sont à nouveau à la hausse, nos frais d’intérêt augmentent également à nouveau. En 2023, nous paierons plus de 8 milliards d’euros pour cela et en 2024, cela augmentera encore pour atteindre 9,6 milliards d’euros. De l’argent qui ne peut pas être utilisé pour la politique de sa propre population. A titre de comparaison : le budget annuel de la justice, de la police et de la défense réunis s’élève à 10 milliards d’euros. Trois tâches essentielles de notre gouvernement fédéral qui demandent de l’argent supplémentaire.

Le professeur Matthijs n’est pas rassuré : « Si nous ne procédons pas à des ajustements, la Belgique pourrait se retrouver dans le collimateur des marchés financiers avec la récession actuelle et la hausse des taux d’intérêt : les grands investisseurs seront alors moins enclins à nous prêter de l’argent. Cela s’est déjà produit à l’automne 2011, après quoi la formation d’un gouvernement a soudainement pris de l’ampleur.

Le gouvernement fédéral espère tranquillement qu’une croissance économique plus élevée atténuera les chiffres rouges foncés. Mais selon la Commission européenne, cette croissance s’arrêtera en Belgique : de +2,8% en 2022 à +0,2% en 2023 et +1,5% en 2024. il devient important d’essayer de maintenir le budget sur les rails.

En attendant, la nouvelle secrétaire d’État au Budget Alexia Bertrand (Open Vld) devra affronter le vent contraire au parlement et à la Commission européenne. Si elle ne réduit pas rapidement le déficit budgétaire annuel, la Belgique risque de manquer d’argent.

Le professeur Matthijs pense que cette situation n’est plus tenable : « Lors des négociations gouvernementales à l’été 2024, il faudra dire un mot sérieux sur la pression fiscale et les dépenses publiques. Ce sont deux choses avec lesquelles la Belgique est dans le top 3 mondial depuis des années : un débat sur les tâches essentielles est urgent pour le gouvernement.



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