Bolsonaro accepte la défaite électorale, mais les théories du complot font tout leur travail perturbateur au Brésil

Un dimanche soir extatique était le Brésil des 60 millions d’électeurs de Lula. Ce sont leurs chants de victoire qui ont résonné dans les rues jusqu’au petit matin. Mais lorsque lundi est arrivé, le petit perdant a de nouveau attiré toute l’attention. Il l’a fait en s’enveloppant dans un silence inquiétant. Accepterait-il le résultat ou dénoncerait-il « la fraude », comme il l’avait si souvent annoncé auparavant ?

Ce n’est que 48 heures après l’élection que Bolsonaro a clairement indiqué dans un discours de 2 minutes mardi après-midi qu’il ne contesterait pas le résultat. « Mes adversaires me traitent d’anti-démocrate, mais j’ai toujours respecté les règles de la constitution. » Il a remercié ses 58 millions d’électeurs, mais n’a pas dit un mot sur Lula. Son directeur de cabinet a alors confirmé que le président lui avait donné pour instruction « d’entamer le processus de transition ».

Alors que Bolsonaro se taisait pendant deux longues journées, les théories du complot qu’il répandait depuis des années dans les rues ont fait tout leur travail perturbateur. Il n’avait plus besoin de parler, la théorie de la fraude qu’il avait créée s’était déjà installée chez ses partisans les plus endurcis. Dans des centaines d’endroits du pays, des supporters vêtus de jaune-vert ont bloqué les grandes artères. Ils ont érigé des barricades à partir de pneus enflammés et ont garé des camions sur les autoroutes.

Avec de nombreuses manifestations relativement réduites, des groupes de dizaines à des centaines de personnes, les bolsonaristes ont réussi à perturber le pays de 215 millions d’habitants. L’aéroport international Guarulhos près de la métropole de São Paulo a dû annuler des dizaines de vols. L’immense port céréalier de la ville méridionale de Paranagua était pratiquement à l’arrêt lundi car la route d’accès était bloquée.

Coup d’Etat militaire

Dans les groupes de télégrammes et WhatsApp, les électeurs déçus de Bolsonaro ont appelé à un coup d’État militaire. Ils avaient également adopté cette suggestion de leur président, qui s’est vanté à plusieurs reprises ces dernières années que l’armée serait de son côté si elle « arrivait à un point ». Dans le grand État de Minas Gerais (21 millions d’habitants), où Lula Bolsonaro devançait d’un tout petit 0,2 point de pourcentage, les partisans de Bolsonaro formaient une haie d’applaudissements au passage des camions de l’armée.

Le juge Alexandre de Moraes, membre de la Cour suprême de 11 membres et président du Tribunal électoral, a ordonné à la police militaire de démanteler les barrages routiers. Il s’est ainsi montré mécontent de l’action ambiguë de la police fédérale de la route, qui est intervenue à certains endroits et a soutenu les manifestants à d’autres. Le jour des élections, la même police du nord-est du pays avait joué un rôle douteux en arrêtant des centaines de bus transportant des électeurs Lula.

L’ancien capitaine de l’armée Bolsonaro bénéficie d’un fort soutien parmi les soldats et les policiers. Il s’est présenté comme l’un d’entre eux pendant sa présidence et a promis une protection juridique s’ils recouraient à la violence au travail. Pourtant, ces jours-ci, il est resté avec des agents individuels qui se sont rangés du côté des manifestants. En tant qu’institutions, l’armée et la police se sont conformées à leur rôle constitutionnel. Les forces armées n’ont montré aucun intérêt pour les appels au coup d’État et la police a démantelé la plupart des barrages routiers (qui réapparaissaient souvent ailleurs).

Dans les quelques phrases que Bolsonaro a finalement prononcées, il dit partager le sentiment « d’indignation et d’injustice » quant au déroulement des élections. Dans le même temps, il a appelé ses partisans à manifester de manière civilisée. Il a ainsi répondu à une forte pression de son environnement politique pour apaiser les protestations.

Le président élu Lula a fait mardi les premiers pas vers le transfert du pouvoir en janvier. Il a nommé son colistier, le futur vice-président Geraldo Alckmin, à la tête de son équipe de transition. Selon la loi, le président élu doit avoir un aperçu des finances publiques et des projets en cours dès que possible.



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