On meurt moins en voiture, mais l’usager actif de la route est de plus en plus perdant

Malgré toutes les bonnes intentions, la Flandre n’a fait aucun progrès depuis 2017 dans la réduction du nombre de tués sur les routes. Les anciennes recettes ne sont pas seulement trop fades, elles ne sont pas non plus à la hauteur des nouveaux phénomènes. Le matin s’est penché sur les chiffres du Road Death Dossier et a analysé les points douloureux.

Anne De Boeck21 octobre 202211:18

1. La Flandre a perdu ses pédales

Parfois, les déclarations frappent si fort qu’elles prennent involontairement une vie propre. L’aveu récent du Premier ministre flamand Jan Jambon (N-VA) selon lequel il demande parfois à son chauffeur de donner de l’essence supplémentaire – “parfois, il suffit de prendre le risque” – en fait partie. Car la Flandre accélère effectivement sérieusement.

Si nous avons pu réduire progressivement le nombre de tués sur les routes depuis les années 1970, il n’y a pas eu d’amélioration depuis 2017. Cette année aussi, nous nous en sortons si mal que le nombre de décès d’ici la fin de l’année pourrait être au plus haut niveau depuis 2016. Donc ça ne va pas seulement trop lentement, ça va complètement dans la mauvaise direction.

2. Nous sommes en sécurité dans notre réservoir

Caméras et capteurs de tous côtés, servofreins automatiques et ordinateur qui appelle lui-même les services d’urgence après un accident : conduire une voiture de nos jours, c’est un peu comme voler en pilote automatique. Pas étonnant que de moins en moins d’occupants meurent sur les routes flamandes. Il y a six ans, la moitié des morts sur les routes devaient encore être prises à partir d’une voiture, aujourd’hui un tiers.

Ce n’est pas un hasard si le plus gros problème est survenu en 2017. Cette année-là, nous avons sauvé 57 morts en voiture d’un seul coup. La raison? Le 1er janvier, la limite de vitesse sur les routes régionales a été réduite de 90 à 70 kilomètres à l’heure. Une opération qui sauve encore des vies chaque année. Des poteaux pliants qui se plient en cas de collision, des ronds-points sécuritaires et une meilleure signalisation lors des travaux rendent également nos routes de plus en plus sécuritaires pour ceux qui roulent sur quatre roues.

Il y a encore place à l’amélioration dans les accidents sans adversaire, dans lesquels un automobiliste s’écrase contre un arbre, un pont ou un autre obstacle. L’année dernière, 59 personnes sont mortes.

3. Cyclistes en vue

“C’est une loi d’airain : plus il y a de cyclistes sur la piste, plus c’est sûr pour eux.” Dirk Lauwers, professeur d’aménagement du territoire et de mobilité (UGent, UAntwerp), croit fermement au fameux effet du nombre. Le principe, selon une recherche internationale, est qu’un plus grand nombre de cyclistes entraîne automatiquement plus d’investissements dans des pistes cyclables sécuritaires. Dans le même temps, les automobilistes se comporteront avec plus de prudence.

Une région semble à l’abri de cette spirale positive : la Flandre. Malgré la forte augmentation du nombre de cyclistes, le nombre de morts oscille toujours autour du niveau d’il y a dix ans : 75 par an. Parcourir un kilomètre à vélo est devenu plus sûr en termes relatifs, mais cet effet est balayé en chiffres absolus.

L’explication est que nous ne parvenons pas à gérer la forte avancée du vélo dans le bon sens. Nous construisons plus souvent des pistes cyclables plus larges, mais un réseau est seulement aussi fort que son maillon le plus faible. Et c’est trop souvent une intersection dangereuse ou une voie meurtrière. La montée en puissance du SUV, qui frappe plus vite les organes vitaux avec son capot haut, pèse aussi sur la sécurité.

A titre d’illustration : l’an dernier, 3 cyclistes sont morts dans une collision avec un autre cycliste et 13 après avoir heurté un obstacle, tandis que 29 sont morts dans une collision avec un automobiliste et 15 avec un camion. Les piétons sont également principalement tués par des voitures (21) et des camions (12).

4. Le vélo électrique : désormais aussi roi des accidents

En 2021, nous avons franchi une étape importante : après des années de rattrapage, le vélo électrique a fait pour la première fois plus de victimes que le vélo ordinaire. L’année dernière, 37 personnes sont mortes sur un vélo électrique, contre 36 sur un vélo non électrique.

Si l’on regarde l’âge moyen de tous ces morts, il est de 70 ans pour le cycliste électrique, contre 59 ans pour les autres. Grâce au vélo électrique, les gens restent donc actifs jusqu’à un âge plus avancé et ils parcourent également de plus longues distances, mais cette liberté a un prix très élevé.

Encore une sombre première dans l’e-mobilité : en 2021, 3 personnes ont été tuées en trottinette électrique pour la première fois. Jusqu’à récemment, il n’y avait pratiquement aucune règle pour les conducteurs d’un tel scooter électrique.

5. La Flandre n’arrête pas de baisser la barre puis saute en dessous

“D’ici 2020, la Flandre sera l’une des meilleures régions européennes en matière de sécurité routière.” Le Premier ministre de l’époque, Kris Peeters (CD&V), l’avait annoncé en 2009 avec beaucoup d’aplomb dans son célèbre plan Flandre en action. Des plans d’action ont suivi les années suivantes, avec l’objectif d’avoir un maximum de 200 morts sur les routes d’ici 2020. Cela n’a pas fonctionné.

L’horizon est désormais à 2030. En 2013, la Flandre s’était fixé comme objectif un maximum de 133 morts sur les routes, bien que le gouvernement actuel ait soudainement fixé la barre à 158 morts. Malgré ce jonglage, nous sommes encore loin d’avoir atteint cet objectif. « Nous passons d’un incendie à l’autre, mais nous ne résolvons rien de fondamental », résume l’ingénieur trafic Kris Peeters (PXL Hasselt).

Dossier des morts sur la route : comment De Morgen a-t-il procédé ?

Pour cette série a parlé Le matin avec treize personnes ayant vécu de près un accident de la circulation mortel ou quasi mortel : proches, survivants et conducteurs. Ils ont longuement témoigné de l’impact dévastateur sur leur vie, ainsi que sur celle de leur famille, de leurs amis et de tant d’autres. Nous nous sommes également penchés sur les chiffres et les études scientifiques sur la violence routière en Flandre. Nous y avons présenté nos découvertes à huit experts nationaux et internationaux de différents domaines.



ttn-fr-31