Disney va sortir Panthère noire : Wakanda pour toujours dans les cinémas français le mois prochain, mais a averti que ses plus grands films pourraient passer directement au streaming en 2023 à moins que ce qu’il appelle les règles de distribution « anti-consommateurs » du pays ne soient fondamentalement réformées.
La décision met fin à des mois de débat chez Disney sur l’opportunité d’utiliser le film à succès Marvel, un point culminant important du calendrier du box-office de l’industrie cinématographique, pour prendre position sur le régime de «fenêtrage» très restrictif de la France.
La France considère le système, qui fixe le calendrier auquel les films projetés dans les cinémas peuvent ensuite être diffusés à la télévision ou sur les plateformes de streaming, comme un moyen essentiel de protéger son industrie cinématographique et ses cinémas.
Disney a déclaré lundi que sa décision reposait sur les autorités françaises reconnaissant que le système « doit être modernisé » et fixant « un calendrier clair pour ces discussions ». Mais il a ajouté que jusqu’à ce qu’une « solution rapide et équitable soit trouvée », les futures sorties de films seraient décidées « film par film », ce qui implique que certains pourraient être retenus si aucun progrès n’est réalisé.
Dans le cadre des règles actuelles régissant l’industrie en France, la décision d’opter pour une sortie au cinéma empêchera Disney de diffuser la suite de Black Panther sur son service de streaming Disney Plus en France jusqu’en avril 2024, puis pendant cinq mois seulement.
À moins qu’un accord de partenariat ne soit conclu avec un diffuseur, le film ne reviendra définitivement sur le service Disney Plus qu’en novembre 2025 – trois ans après sa sortie en salles. Pendant cette période, le film aura été diffusé sur les chaînes de télévision payantes et gratuites françaises. Hors de France, en revanche, les Panthère noire la suite devrait apparaître sur Disney Plus d’ici Noël.
« Comme nous l’avons déjà dit, nous pensons que [French windowing system] est anti-consommateur et expose tous les studios à un risque accru de piratage, c’est pourquoi la majorité des parties prenantes conviennent qu’il doit être complètement révisé », a déclaré Disney.
L’impasse avec Disney survient alors que les cinémas français ont du mal à attirer les consommateurs vers les cinémas. Les ventes de billets pour les neuf premiers mois de cette année étaient inférieures d’environ un tiers à celles de 2019, avant la pandémie de coronavirus, selon les chiffres du Centre National du Cinéma. Seuls 7,4 millions de billets ont été vendus en septembre, le plus bas décompte du mois depuis les années 1980.
Dans ce contexte, la menace de Disney de couper les cinémas français de ses blockbusters est prise au sérieux par l’industrie et les régulateurs. La chute des ventes de billets constitue une menace directe non seulement pour les cinémas, mais aussi pour les sociétés de production, car le système français particulier de financement public et privé du cinéma repose sur une taxe sur les billets ainsi que sur les contributions des diffuseurs. Moins de blockbusters hollywoodiens signifie moins d’argent pour les producteurs de cinéma français.
Disney a déjà montré sa volonté de retenir certains titres ; le film d’animation Monde étrange, qui sortira dans les cinémas américains le mois prochain, ira directement à Disney Plus en France. L’ardoise Disney 2023 comprend Les Gardiens de la Galaxie Vol. 3, Indiana Jones 5 et La petite Sirène.
En France, les entreprises de médias doivent négocier leur fenêtrage avec divers groupes de l’industrie du cinéma, les accords étant ensuite revus et publiés par les régulateurs. En général, plus une entreprise contribue à la production cinématographique française, moins elle peut négocier de fenêtre.
En décembre 2021, le groupe de télévision payante Canal Plus a été le premier à signer un accord, qui a établi une référence pour les prochains avec les groupes de streaming. La société soutenue par Vivendi s’est engagée à investir environ 200 millions d’euros de financement annuel dans les films français et a vu sa fenêtre de sortie en salles raccourcie à six mois contre huit auparavant.
Netflix a ensuite signé un accord en vertu duquel il contribuera pour la première fois au financement annuel de la production cinématographique française en échange de la réduction de la fenêtre à 15 mois contre 36 mois auparavant. Amazon a accepté 17 mois.
De tels retards étaient beaucoup trop longs pour Disney, étant donné sa plus grande dépendance aux films, il a donc refusé de signer un accord similaire. Il tente depuis de faire pression sur les instances professionnelles et les régulateurs français qui doivent ratifier les accords de fenêtrage pour qu’ils reviennent à la table des négociations.
La ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, a déclaré dans un entretien télévisé à la mi-septembre qu’elle était favorable à « rouvrir les discussions » sur les règles de fenêtrage, qu’elle a décrites comme « n’étant pas immuables ».