Enfin, le Brexit que voulaient les libéraux économiques. Alors que la plupart des partisans de la sortie de l’UE étaient motivés par des questions de souveraineté et d’immigration, un cadre de conservateurs du marché libre y voyait la porte d’entrée de la légendaire Singapour-on-Thames.
Un État maigre, déréglementé et à faible taux d’imposition était la seule stratégie économique logique pour une nation qui érigeait des barrières avec son plus grand marché commercial. Nous sommes sur le point de voir jusqu’où cette vision nous mènera.
Il y a trois énormes mises en garde à cette approche. La première est que le Royaume-Uni n’est pas dans une position idéale pour lancer cette expérience. L’inflation est peut-être plus profondément enracinée que ne l’espèrent les ministres et la confiance des investisseurs est sérieusement précaire pour ouvrir un déficit aussi important du compte courant.
La réaction initiale des marchés des changes et des gilts aux annonces d’aujourd’hui n’a pas pu encourager la chancelière. Ce n’est pas par hasard qu’il a décidé de souligner son engagement continu envers l’indépendance de la Banque d’Angleterre. Les discussions vagues à ce sujet ont déjà effrayé les marchés.
Enfin, la dernière partie de la stratégie reste à venir. Car si ce joli maxi-mini-budget (le plus grand événement de réduction d’impôts depuis 1972, selon l’IFS) se veut un investissement dans la croissance, il s’agit plus certainement d’un acompte sur les réductions de dépenses, mais pas avant une élection. Compte tenu de la priorité du NHS, cependant, d’autres domaines (écoles, collectivités locales) verront probablement les budgets qui doivent augmenter être gelés.
Pour les alliés, c’est audacieux ; pour les adversaires, c’est imprudent. Ce qui est incontestable, c’est qu’il s’agit d’un pari majeur sur un programme idéologique auquel le Premier ministre Liz Truss et Kwasi Kwarteng croient depuis longtemps. Bon nombre des mesures dévoilées par la chancelière pourraient être défendues en des temps meilleurs. Ce qui est difficile à concilier, c’est l’énorme augmentation des emprunts publics qu’implique le climat actuel.
C’est un énorme pari avec les finances publiques. Les réductions d’impôts coûteront 45 milliards de livres sterling d’ici 2026/7. Une dette supplémentaire de 72 milliards de livres sterling est prévue pour cet exercice seulement. La hausse des rendements des gilts sera particulièrement inconfortable compte tenu de l’encours relativement élevé de la dette indexée, tandis qu’une chute de la livre alimentera davantage l’inflation.
C’est aussi une répudiation étonnante de la stratégie économique (et même politique) des deux derniers premiers ministres conservateurs, dans les cabinets desquels Truss a servi. Mais ça va plus loin. Car ce rejet choquant de l’importance centrale de finances publiques saines est un rejet de l’opinion fondamentale des conservateurs, qui a soutenu depuis Margaret Thatcher, selon laquelle on ne peut pas gouverner sur le jamais jamais.
La plupart des mesures ont été suivies d’effet : l’annulation des augmentations prévues de l’impôt sur les sociétés, l’annulation de la hausse de l’assurance nationale pour financer la santé et l’aide sociale. En plus de cela, il y a eu quelques surprises : la suppression du taux maximal de l’impôt sur le revenu de 45 pences et le report d’une réduction du taux de base évoquée au début de l’année prochaine.
Aucune concession n’a été faite aux craintes sur les finances publiques. Même les droits d’accise sur l’alcool ont été gelés. Tous les contribuables y gagneront, mais les vrais gagnants sont les plus riches. Le calcul politique est que la plupart des électeurs accepteront que les riches deviennent plus riches s’ils voient leur propre situation s’améliorer. Mais même avec les aides énergétiques et les réductions d’impôts, les revenus des ménages sont toujours fortement comprimés. Après ce budget, peu se sentiront mieux lotis.
La croyance en l’économie de l’offre pour augmenter la productivité est bien fondée, mais il y avait beaucoup de lacunes dans cette stratégie – la valeur des nouvelles zones d’investissement pour le PIB national, par opposition au PIB régional, est discutable. La rationalisation des lois de planification et une plus grande déréglementation du Brexit sont annoncées ; détails à suivre. Le principal pari sur la croissance repose sur l’intuition que les réductions d’impôts créent une meilleure musique d’ambiance autour de l’économie.
La politique de tout cela est claire. Avec de la chance, cette stratégie pourrait mener Truss à travers les élections. Un allié de Truss l’a décrit comme « allez grand ou rentrez chez vous ». C’est le Brexit économique que tant de grands conservateurs et commentateurs ont exigé. Quoi qu’il en soit, ils ne pourront pas se présenter aux prochaines élections en disant que la politique n’a jamais été correctement mise à l’essai. Il est cependant important de se rappeler que la plupart de ceux qui ont soutenu le Brexit ne l’ont pas fait par désir philosophique de réduire la taille de l’État.
Cette stratégie économique n’a pas fait ses preuves. Plus important encore, c’est un pari sur la bonne volonté des marchés – jamais un bon endroit pour un gouvernement. Tous les théorèmes politiques rusés et le zèle des pamphlétaires ne compteront pour rien si cette foi s’évapore.