La proposition constitutionnelle qui, selon ses partisans, promettait un Chili moderne et progressiste a été rejetée lors d’un référendum dimanche. Plus de soixante pour cent des personnes autorisées à voter ont voté contre la proposition, ce que les sondages ont prédit ces dernières semaines. Pour le président Gabriel Boric, qui s’est régulièrement prononcé en faveur d’une nouvelle constitution lors de sa campagne électorale, le résultat ressemblera à une défaite.
En quelques heures, il était déjà clair que le camp Rechazo gagnerait contre une nouvelle constitution. Le système électoral chilien est internationalement connu pour sa rapidité et sa fiabilité, et les élections se sont déroulées pratiquement sans incident dimanche. Le taux de participation a été élevé car le vote était obligatoire. Treize millions des quinze millions d’électeurs éligibles se sont rendus aux urnes. Le camp des perdants, dont les représentants ont émergé en partie dans les manifestations de masse qui ont paralysé le pays en octobre 2019, a dû accepter avec incrédulité que leur document progressiste ne correspondait pas aux souhaits et à la réalité de la plupart des Chiliens.
La constitution actuelle, écrite sous la dictature d’Augusto Pinochet et réécrite plusieurs fois sous les présidents démocratiquement élus qui ont suivi, reste pour l’instant en vigueur dans le pays sud-américain. En mettant l’accent sur « provisoire » : le président de gauche Boric a déjà dit il y a quelques semaines qu’une nouvelle constitution viendrait de toute façon. Que ce document soit rédigé au parlement ou encore par un comité de représentants directement élus n’est pas clair.
« Personne ne s’attendait à ce résultat. C’est vraiment une défaite insensée.
Parce qu’il existe un large consensus dans le pays sur le fait que les choses doivent être différentes au Chili. La campagne contre le projet de constitution a également déclaré que les services sociaux, tels que les soins et l’éducation actuellement très coûteux, devaient être remaniés. Eux aussi réclamaient un pays avec moins d’inégalités. Mais les réformes proposées dans cette proposition constitutionnelle allaient trop loin pour de nombreux Chiliens. Qui allait payer pour ces soins gratuits ? À quoi ressemble l’égalité des genres dans les pouvoirs publics dans la pratique ? Et posséder des tribunaux pour les peuples autochtones, cela créerait plus de division dans le pays.
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Campagnes de fausses informations
Les classes supérieures, et surtout les Chiliens très riches, ont soutenu les opposants à cette constitution à l’approche du référendum. Le camp Rechazo disposait d’un budget 40 fois plus important que le camp avant une nouvelle constitution et consacrait une partie de ce budget à des campagnes de fausses informations à grande échelle via les réseaux sociaux. Les médias traditionnels, détenus par les mêmes Chiliens les plus riches, ont également parfois eu du mal avec des reportages neutres à l’approche du vote. Mais aussi le fait que les Chiliens ont d’autres priorités et ne veulent pas d’incertitude pendant une grave pandémie et les périodes économiques difficiles qui en découlent.
Selon l’expert politique Javi Arce, ce que le résultat montre, c’est que les forces politiques modérées qui ont fait du Chili un tel phare de stabilité et de prospérité économique dans les années 1990 ont fourni la force décisive dans ce vote. « La jeune gauche progressiste de Boric, qui était aussi très présente à la Constituante, ne voulait pas d’accords politiques. Leurs propositions étaient radicales. Et à cause de cela, le centre politique et la droite ont voté contre la constitution », dit-elle. «Mais personne ne s’attendait à ce résultat. C’est vraiment une défaite insensée.
Pour le président Boric, qui a refusé de commenter une préférence précise pendant la campagne, le résultat est un revers majeur. Sa campagne présidentielle était étroitement liée à ce que proposait la nouvelle constitution. De plus, les résultats montrent que le vent progressif qui semblait souffler sur le Chili s’est quelque peu calmé. En temps de crise, les Chiliens sont revenus au centre politique. Pour Boric un signe qu’il devra faire de même pour le reste de son règne. Selon l’analyste Arce, il existe par ailleurs une menace d’instabilité politique. Boric doit maintenant chercher des accords politiques. Il doit remplacer les ministres. Sinon, il menace de devenir un canard boiteux pour le reste de son règne.