Chère Tinne Van der Straeten, pour Groen, cette crise est un rêve devenu réalité

Chaque week-end, Joël De Ceulaer écrit une lettre légèrement satirique au (m/f/x) de la semaine. Vous pouvez lire ou écouter cette lettre ici.

Joel De Ceulaer2 septembre 202218:00

Il faut parler de la calamité qui tombe du ciel dans des seaux. Pendant des mois, j’ai lutté avec le sentiment que les politiciens, en particulier les politiciens verts, négligent quelque chose de grave. Il n’y a pas d’éléphant dans la pièce, il y a actuellement tout un troupeau d’éléphants au milieu de la Wetstraat. Et vous passez devant là tous les jours sans vous méfier. C’est une occasion manquée, et je vais vous expliquer pourquoi.

Cette lettre est venue en partie à la demande d’un de vos collègues bien connu du parti, qui m’a envoyé un message il y a quelques semaines : si j’étais prêt à assister à une séance de remue-méninges avec Groen dans un avenir proche, pour « selon ma propre intuition  » une « analyse de la situation politique », en accordant une attention particulière à la localisation de votre parti. « Nous voulons être mis au défi », a-t-il déclaré. « Cela peut être pointu. » Et oh oui, je n’avais qu’à vous faire savoir combien d’argent je voudrais collecter en échange de mes idées.

trembler

Bien sûr, j’ai dû refuser cela, pour des raisons éthiques. Les journalistes ne devraient pas travailler pour le compte de partis politiques – ni gratuitement, ni contre rémunération. Mais parce que je ne suis pas le plus en colère, je veux quand même contribuer à votre brainstorming par ce biais – publiquement, aux dépens de mon patron et en présence de mes lecteurs.

Commençons par un regard sobre sur la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. À première vue, il semble un peu minable. Il y a l’inflation, qui empoisonne notre panier. Il y a les prix de l’énergie, qui ont depuis longtemps dépassé la limite du ridicule. Et il y a la récession qui s’annonce : de nombreuses entreprises vont devoir fermer leurs comptes temporairement ou définitivement. Nous serons bientôt confrontés à une inflation élevée et à une hausse du chômage : une combinaison diabolique qui fait trembler les décideurs politiques. Le système semble s’effondrer, notre prospérité est en jeu, notre économie menace de s’effondrer. Seuls le chaos et le trou noir nous attendent.

Penses-tu.

bonne nouvelle

Mais! Donc, si nous ne le regardons que de cette façon, nous manquons ce troupeau d’éléphants au milieu de la rue. Il y a aussi une lecture constructive et moins mélancolique des faits – une lecture que vous et les membres de votre parti devriez voir. Pour les autres partis, c’est en effet un cauchemar. Pour Groen, c’est un rêve devenu réalité. Le virage écologique, Madame la Ministre, se fait à la vitesse de l’éclair. Si le Père Versteylen était encore en vie, il enfourcherait vite son vélo pour apporter partout la bonne nouvelle : nous vivrons autrement ! Oui, c’est obligatoire et non bienvenu, mais pour le vrai écologiste c’est en tout cas un constat réjouissant.

Jetez un oeil à vos feuilles de débat. Nous vivons au-dessus de nos moyens depuis des décennies. Nous sommes dépendants de la croissance économique. Pour les capitalistes seul l’argent compte, le bien-être des gens et de la planète n’a aucune importance. C’est une question de profit, de produit intérieur brut, de production, de production, de production. Nous pillons la terre et nous nous pillons nous-mêmes. Cette course effrénée hystérique doit cesser. Tout ce système doit être repensé. Allez : un autre modèle de société ! Notre empreinte doit être plus petite, afin que l’harmonie de l’homme et de la nature puisse être restaurée. Et. Alors. en avant.

Libération

Eh bien, vos prières ont été exaucées. L’économie s’est arrêtée brutalement. La croissance est terminée. Nous ‘dépassons’ : le décroissance que tant de prophètes écologistes ont souhaité pendant des années est un fait. Le paradis est juste au coin de la rue. Je trouve remarquable que vous ne le voyiez pas vous-même, que vous aussi regardiez toujours la caméra si préoccupée que vous manquiez l’occasion de dire que la crise est une bénédiction déguisée. Ce n’est pas un dommage, c’est une réparation. Ce n’est pas un trou noir, mais une libération de l’enfer néolibéral.

C’est, si je puis me permettre une suggestion, une question de terminologie. Comme vous le savez, la réalité n’est qu’une construction sociale que nous façonnons comme nous le voulons. Les mots font le monde. Saisissez cette opportunité. N’appelez pas cela du chômage, appelez cela de longues vacances. N’appelez pas cela pauvreté, appelez cela frugalité. Regardez-le positivement. Entrez dans l’hiver avec des chaussettes en laine de chèvre et un pull que vous avez tricoté vous-même : il n’y a pas plus douillet. On se blotti contre le froid !

La bonne nouvelle est partout. Pénurie d’enseignants ? Moins de pression sur nos enfants ! Plus de temps pour le sport et les jeux ! Pénurie d’eau? Nous urinerons déjà sous la douche, pourquoi ne pas nous doucher avec notre urine plus tard ? En partie pour son effet curatif sur le corps et l’esprit.

La propagande

Je ne suis pas un théoricien du complot, Mme Van der Straeten, donc je suppose que vous avez juste de la chance, que les circonstances jouent en votre faveur. Mais c’est ça : la grande réinitialisation verte. J’attends avec impatience l’heureuse propagande de votre parti en 2024. Je me demande combien d’électeurs se rendront compte que leur existence matérialiste a été une affaire creuse après tout.

Bonne chance!

Joël De Ceulaer, rédacteur senior



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