5 films exceptionnels de l’Atlántida Film Fest 2022


L’âme d’une bête (Lorenz Merz)
C’était le favori du public au Atlántida Mallorca Film Fest, la version physique du festival Filmin. Jolis garçons (dont la suisse Ella Rumpf, la soeur aînée de ‘Crudo’, vue dans des séries comme ‘Tokyo Vice’ ou ‘Succession’), patineurs, mescaline, katanas… ‘Soul of a Beast’ est une jeunesse captivante fable pleine de romance, d’euphorie et d’angoisse adolescente. L’objectif affiché de son réalisateur, Lorenz Merz, est de transmettre visuellement l’expérience d’être amoureux, de représenter en images les sentiments d’un père adolescent tiraillé entre la responsabilité parentale et les élans d’une passion amoureuse débordante. Et il a réussi.

Avec un œil sur la calligraphie visuelle de Wong Kar Wai et la sensualité presque mystique des mouvements de caméra de Terrence Malick, le réalisateur suisse met en images la tempête émotionnelle dans laquelle se trouve le protagoniste. Un voyage initiatique vers l’amour, raconté par un étrange samouraï, qui se déroule dans un décor urbain indéterminé, où de nombreuses langues sont parlées et où la révolte sociale est sur le point d’éclater. Une combinaison risquée de genres et de tonalités qui, loin de tomber dans le sensationnalisme creux, fonctionne étonnamment bien comme représentation de la poétique de l’amour fou en des temps troublés. 8

Bruno Reidal, Confession d’un meurtrier (Vincent Le Port)
Après un passage au Festival de Cannes, le premier long métrage de Vincent Le Port triomphe au Atlántida Mallorca Film Fest, remportant le Prix de la Critique. ‘Bruno Reidal, confession d’un meurtrier’ est inspiré de l’histoire vraie d’un séminariste qui égorgea de sang-froid un enfant dans une zone rurale d’Auvergne (France) en 1905. Pourquoi un jeune homme timide, studieux et pieux aimerait-il Reidal était capable de commettre un crime aussi brutal ?

A partir des aveux du meurtrier, recueillis dans un rapport clinique par le pionnier de l’anthropologie criminelle Alexandre Lacassagne, le film perce le mystère. A travers une narration sobre et une mise en scène très soignée, on en apprend plus sur le criminel : le milieu familial où il a grandi, un événement traumatisant survenu dans son enfance, ses pensées les plus intimes… Toute une série d’indices présentés sous la forme de flashback, qui loin de fermer les inconnues ouvrent plus de questions : quelle est l’origine de la pulsion meurtrière qui se niche à l’intérieur de Reidal : génétique, psychologique, sociale… ? Une énigme qui de par sa complexité, de par son caractère insaisissable, est encore plus troublante. 8’5

Petit corps (Laura Samani)
Encore un premier film fabuleux, également présenté à Cannes, situé en même temps que ‘Bruno Reidal’ (début XXe siècle) et plusieurs prix à son actif : Prix du public au Festival de Séville et David di Donatello du meilleur premier long métrage. Laura Samani raconte le voyage qu’une jeune mère entreprend avec sa fille morte nouveau-née (le « petit corps » du titre) à destination d’un sanctuaire dans les montagnes. Un lieu où, selon la tradition, les bébés peuvent être ressuscités pour une courte période de temps et ainsi être baptisés pour éviter qu’ils ne passent l’éternité dans les limbes.

Avec une mise en scène très dardennienne, avec la caméra collée au protagoniste, ‘Little Body’ raconte une histoire épique fascinante à travers un monde pré-industriel, très physique, très sensible, très lié à la terre, où survivent des traditions païennes et des dialectes ancestraux ( le film est parlé en frioulan et en vénitien). Un parcours initiatique mettant en scène une mère à la volonté de fer, dont Samani se sert pour introduire des relectures féministes juteuses, des commentaires LGTB+ et une vision des mythes populaires pleine de richesse esthétique et métaphorique. Sans aucun doute, un réalisateur à suivre de très près. 8’5

Battements magnétiques (Vincent Cardona)
Et nous continuons avec des débuts. Vincent Cardona a remporté le César du meilleur premier film avec cet hommage aux radios pirates des années 80. « Magnetic Beats » se déroule en 1981 dans une petite ville de province française. Alors que François Mitterrand apparaît à la télévision (le Parti socialiste remporte les élections pour la première fois après des décennies de gouvernements conservateurs), Iggy Pop, Joy Division, The Undertones, Die Krupps… On dirait des temps de changement. Cependant, ceux-ci mettront encore du temps à arriver. L’un des frères, talentueux technicien du son, est envoyé à Berlin-Ouest pour faire son service militaire. Mais il y a un problème : il est amoureux de la petite amie de son frère.

Partant de ce postulat, ‘Magnetic Beats’ se déroule comme une histoire initiatique, ouvrant sur des horizons géographiques et vitaux. Une chronique sentimentale et musicale nostalgique (la séquence rave de Berlin-Est se démarque), mêlée à des touches un peu plus conventionnelles d’amour et de drame familial. Ces axes thématiques se rejoignent dans diverses mises en scène qui fonctionnent comme des performances musicales virtuoses et romantiques, des séquences « électriques » marquées par la présence quasi fétichiste de la cassette et un sens du rythme qui élève les « pulsations magnétiques » du film et celles de les spectateurs. sept

Perce-oreille (Lucile Hadzhalilovic)
Avec son troisième long métrage, la réalisatrice française Lucile Hadzihalilovic (« Innocence », « Evolution ») prouve une fois de plus qu’elle est une cinéaste douée pour construire des atmosphères mystérieuses, belles et profondément dérangeantes. Bien que narrativement il dépasse le cryptique, laissant le spectateur seul et impuissant dans une forêt de symboles difficiles à interpréter, ‘Earwig’ est visuellement et musicalement si puissant, si suggestif, qu’il est très facile de se laisser emporter par ses images picturales. et des sons hypnotiques (faites attention à l’extraordinaire bande son de Warren Ellis).

Adaptation du roman homonyme de Brian Catling, connu pour ‘Vorrh. La forêt infinie ‘(Siruela), ‘Earwig’ est une fable d’horreur gothique sombre mettant en vedette une fille aux dents de glace et son soignant hermétique, qui doit les remplacer chaque jour à partir de sa salive. Deux personnages énigmatiques qui vivent dans un appartement claustrophobe quelque part en Grande-Bretagne dans les années 50. À partir d’un coup de fil, le film s’étendra sur des territoires insoupçonnés, avec l’apparition de nouveaux personnages et d’intrigues aussi impénétrables que captivantes. 7’5

TITRE BONUS: le festival comprend également la copie remasterisée de ‘Yo, Cristina F’ (1981), un classique du cinéma junkie que nous avons revu il y a quelques années. Aujourd’hui encore, c’est l’un des films allemands les plus rentables de l’histoire. Et sa bande originale, composée de chansons de Bowie (qui apparaît dans le film en chantant ‘Station to Station’), a également été un grand succès, aidant une chanson comme ‘Heroes’, qui joue plusieurs fois dans le film, à devenir dans un générationnel hymne.



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