Le roman culte indiscipliné de David Markson adapté en un beau jeu de salle


Elle est la dernière personne vivante sur terre et a voyagé partout dans le monde, même si elle conviendra immédiatement que cela est indéniablement impossible. Et pourtant : elle a visité des musées, enlevé des peintures des murs et les a allumées. Même La ronde de nuit elle tira de sa liste : tu as besoin de quelque chose pour te réchauffer.

Marlies Heuer joue cette Kate, le personnage de La maîtresse de Wittgenstein (1988) de l’écrivain américain David Markson, dans les musées et les galeries. Elle est accompagnée du violoncelliste Jan Kuijken. Au Kunstruimte KuuB à Utrecht, où la performance a eu lieu le week-end dernier, il y a des peintures de Vera Pouw, montrant des corps meurtris et altérés. Un décor saisissant pour ce personnage en proie à la solitude.

Entretien avec Marlies Heuer : “Quand je serai vieux, je veux être infirmière”

Heuer a compressé le roman sans intrigue et sans conflit en une merveilleuse pièce de théâtre de chambre. Elle s’est inspirée de la traduction récemment publiée d’Erik Bindervoet et Robbert-Jan Henkes, qui suscite de belles observations de l’artiste déplacé dans un langage indiscipliné : souvent à la fois poétique, tragique et banal. Par exemple, après une confession fragmentaire sur la mort de son fils : “Bien sûr, la vie a continué, même si parfois on aurait dit que vous aviez passé une bonne partie de votre vie à regarder par les fenêtres.”

C’est comme si Heuer laissait filer les mots, comme si elle était balbutiante emportée par la langue. Le personnage se rabaisse régulièrement, se qualifiant de “incontestablement fou” et “clairement complet de ma propre initiative”. Qu’est-ce qui n’est pas réellement dans sa tête, se demande-t-elle. « Que savons-nous vraiment ? »

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Entre-temps, presque chaque mot a été placé avec soin et précision : la diction de Heuer est légère mais émouvante, son expression faciale la rend juste une fraction plus fragile. Tous les mensonges, souvenirs colorés et demi-vérités occultent un fait irréfutable : sa tristesse et sa solitude sont réelles. Lorsque son flux de mots s’arrête et que la musique du violoncelle s’intensifie, vous pouvez le voir clairement.



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