Un tribunal français a condamné 20 hommes pour avoir perpétré ou aidé des attentats terroristes islamistes qui ont tué 130 personnes à Paris en 2015, à la suite d’un procès qui a mis à l’épreuve le système judiciaire national et ravivé des souvenirs douloureux aux victimes.
Salah Abdeslam, le seul membre survivant du soi-disant groupe État islamique responsable des attentats, a été condamné à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle.
Le juge en chef Jean-Louis Périès a mis près d’une heure pour lire le verdict dans une salle d’audience bondée mercredi soir. “Après 148 jours d’audiences au cours desquelles 415 victimes ont témoigné, le tribunal a voulu exposer son raisonnement de manière étoffée”, a-t-il déclaré.
Outre Abdeslam, cinq personnalités de l’État islamique, jugées par contumace et présumées mortes en Syrie, ont également été condamnées à la perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle. Un autre accusé a été condamné à perpétuité, avec possibilité de libération conditionnelle après 22 ans. Trois autres accusés ont été condamnés à des peines de 30 ans, ce qui était plus léger que les peines à perpétuité demandées par les procureurs.
Ils ont été reconnus coupables de complot en vue de commettre des actes terroristes résultant d’actions telles que la lutte pour le groupe État islamique en Syrie, l’aide à la planification des attaques ou la fourniture d’un soutien logistique.
Les autres accusés ont reçu des peines plus courtes allant de deux à 18 ans pour avoir joué des rôles de soutien moins importants.
Le verdict clôt un procès historique de 10 mois qui s’est déroulé dans une salle d’audience construite à cet effet au Palais de justice de Paris. Il a non seulement jugé les accusés, mais a également donné la parole aux victimes des attentats.
Le procès faisait suite à l’attentat le plus meurtrier jamais commis en France en temps de paix, perpétré en novembre 2015 par une cellule franco-belge envoyée par le groupe Etat islamique. La cellule a attaqué des personnes lors d’un concert de heavy metal au théâtre du Bataclan, en dehors d’un match de football au Stade de France et à plusieurs terrasses de cafés et restaurants de l’est parisien. Environ 400 personnes ont été blessées.
Les victimes ont joué un rôle central dans le procès, avec des centaines de personnes comparaissant en personne pour raconter leurs expériences déchirantes pendant et après les attentats. Leur participation reflétait un aspect distinctif du système judiciaire français, qui permet aux victimes de se constituer parties civiles et d’être représentées par des avocats qui peuvent examiner les preuves, poser des questions et appeler des témoins.
Virginie Sansico, une historienne qui a observé le procès dans le cadre d’un groupe de recherche, a déclaré que la procédure avait en conséquence une saveur de commission vérité visant à forger la mémoire collective française des événements.
“Il y avait deux processus parallèles en cours – juger les accusés et donner aux victimes un espace pour parler et guérir”, a-t-elle déclaré à la radio France Info.
Bruno Poncet, un survivant de l’attaque du Bataclan, a déclaré que le procès l’avait aidé mais qu’il était content qu’il soit terminé. “Être victime du terrorisme n’est pas mon métier, donc je veux passer à une nouvelle phase de ma vie”, a déclaré le cheminot de 49 ans.
Malgré les témoignages d’enquêteurs, de responsables du renseignement, d’universitaires et de psychologues, certains aspects de l’attaque restent inexpliqués et les procureurs reconnaissent qu’ils n’ont pas été en mesure de traduire en justice les principaux planificateurs..
Un autre mystère est pourquoi Abdeslam n’a pas fait exploser son propre gilet explosif : si l’engin était défectueux ou s’il a renoncé à se faire exploser dans un café du nord de Paris par « humanité », comme il l’a affirmé dans son témoignage. Le juge Périès a déclaré que le tribunal avait jugé que le gilet n’était “pas fonctionnel”, ce qui “remet sérieusement en cause les déclarations d’Abdeslam sur le renoncement”.
Le regard du citoyen français de 32 ans, qui a grandi à Molenbeek, en banlieue bruxelloise, a oscillé lors du procès entre hostilité, provocation et regret. Le premier jour, il s’est déclaré soldat de l’État islamique qui a justifié les attaques comme une réponse à l’agression française en Syrie, mais le dernier jour, il a présenté ses excuses aux victimes. “Je ne suis pas un tueur”, a-t-il déclaré.
Les attentats du Bataclan s’inscrivaient dans une période traumatisante pour la France, avec des actes terroristes allant de l’assassinat de journalistes du magazine Charlie Hebdo à un attentat à l’aide d’un camion à Nice. Ses effets se répercutent encore dans le pays, affectant les débats sur l’immigration et la sécurité alors que l’extrême droite se lève en tant que force politique.
Georges Fenech, juge et ancien député à l’Assemblée nationale qui a enquêté sur les défaillances du renseignement ayant conduit à l’attaque, a déclaré dans une interview avant le procès que ces “effets d’entraînement” se faisaient toujours sentir dans les politiques françaises de renseignement et dans la géopolitique en particulier.
“Il y a eu un avant et un après le 13 novembre 2015 en France comme il y a eu un avant et un après le 11 septembre 2011 aux États-Unis”, a-t-il déclaré.