MBeaucoup d’hommes m’ont récemment demandé quelle égalité nous, les femmes, voulons encore atteindre, étant donné que nous sommes maintenant « partout ».
Et en bas une liste de dames qui occupent des postes de pouvoir qui se réduit à quelques noms, les habituels, et qui devrait assouvir nos ambitions.
J’ai du mal, je l’avoue, à chaque fois, à résumer les chiffres de l’inégalité que, d’ailleurs, tout le monde connaît.
C’est comme si, en l’espace de quelques années, ces chiffres avaient perdu leur évidence, dépassés par un récit qui nous voit comme des vainqueurs et qui devrait nous faire taire une fois pour toutes.
Le fait est que nous aussi, qui voyons encore très bien ce plafond de cristal, nous en avons marre de devoir répéter sans cesse les mêmes choses : qu’est-ce qui est difficile à comprendre dans le fait qu’il n’y a toujours pas d’égalité salariale entre hommes et femmes en 2022 ?
Qu’y a-t-il de si compliqué à saisir dans le fait qu’aujourd’hui encore la perspective (ne serait-ce que la perspective) d’une maternité devient un élément de discrimination au travail ?
Pourtant il y a quelque chose qui ne marche pas si ces arguments ne « percent » plus et si de plus en plus d’hommes se sentent en droit de même riposter en disant : « Maintenant, ça suffit : nous sommes les discriminés ».
Comme dans toutes les révolutions, il y a un tournant, qui ne fait que revenir en arrière. Mon sentiment personnel est que le féminisme, même dans sa forme la plus pragmatique de lutte pour l’égalité des chances, a atteint ce tournant et qu’il a besoin de renouveler ses outils de lutte pour redémarrer.
Ce que sont ces nouvelles « armes » reste à découvrir. Mais j’ai compris quelque chose en lisant l’histoire des parias indiennes qui ont fondé le journal Khabar Lahariyasillonnant les villages reculés pour recueillir des informations et faire du lobbying pour résoudre les problèmes liés à la pauvreté mais aussi aux inégalités.
Leurs combats sont convaincants parce qu’ils paraissent immédiatement justes mais aussi parce qu’ils impliquent tout le monde.
La clé est celle-ci : les batailles des femmes devraient être plus inclusives et impliquer ceux d’autres réalités discriminées, en une alliance qui vainc les inégalités sous toutes leurs formes. La fraternité ne peut pas être tout.
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