Les baleines stockent plus de dioxyde de carbone que les arbres. Pourtant, seulement 10 % des grands animaux marins ont survécu des années 1950 à nos jours. Le navigateur français explique comment intervenir


tuune baleine bleue stocke 33 tonnes de dioxyde de carbone par an. Seulement un. Il le fait grâce à la quantité de phytoplancton qu’il avale. Vit jusqu’à 90 ans (faites le calcul). Puis il meurt, coule au fond et y reste pour toujours : il ne saura jamais le bien qu’il nous a fait à nous les humains. C’est-à-dire qu’il a amorti l’impact de tous ces gaz déversés dans l’atmosphère au détriment de notre climat (un arbre, par exemple, ne stocke que 22 kilos de CO2 par an) alors qu’il vivait paisiblement dans un lieu inconnu de nous, ou du moins moins connu avec certitude que la Lune.

C’est l’océan, le plus grand producteur d’oxygène au monde, sinon la seule panacée pour la Terre. Respirer, boire, soigner, s’éclairer, bouger : toutes nos activités dépendent de la mer et marquent les chapitres de Blu. Un océan de solutions (Cortina) un livre à collectionner tant pour ses images que pour ses prédictions. Si ça ne vous frappe plus (nous sommes accros aux bilans écologiques tragiques) la nouvelle que dans les océans aujourd’hui, seuls 10 % des gros poissons trouvés dans les eaux mondiales dans les années 1950 survivent (la faute à la pêche industrielle, plutôt qu’à la pollution), alors notez ceci : notre sang, ainsi que nos cerveaux, cœurs, membres et larmes, ont la même quantité de sel que l’océan. Nous sommes liés pour toujours, c’est tout. Mais on l’oublie.

Blu de Maud Fontenoy et du photojournaliste Yann Arthus-Bertrand.

Les auteurs du livre – la navigatrice Maud Fontenoy et le photojournaliste Yann Arthus-Bertrand – ils usent de l’arme de l’émerveillement pour nous le rappeler, énumérant toutes les “courtoisies” que nous offre l’océan.

Disons merci à l’Océan pour :

1) L’Azt, le médicament utilisé pour traiter le SIDA, provient du hareng.

2) En reproduisant la colle produite par les moules on pourrait remplacer le formaldéhyde qui est toxique et aussi l’utiliser dans le domaine chirurgical pour réparer les tissus endommagés (prévention des avortements).

3) Les vairons sauvages à croissance rapide pourraient, selon la FAO, nous aider à éradiquer la faim dans le monde.

4) Avec l’hémoglobine (qui est universelle !) d’un ver marin (arenicola), qui a un sang 40 fois plus oxygénant que celui de l’homme, on évite aujourd’hui l’intubation des patients souffrant de difficultés respiratoires et on pourrait sauver de nombreuses personnes en attente pour une greffe (en plus de ceux qui ont contracté le coronavirus).

On pourrait continuer s’il n’y avait pas le fait que vous trouviez tout dans le livre, à lire seulement après cette interview. Après une longue attente Fontenoy, 44 ans et quatre enfants, navigateur connu pour les exploits accomplis à la fois à l’aviron et à la voile en solitaire, et président de la Fondation Maud Fontenoyqui travaille dans les écoles pour la protection des océansil a répondu.

Maud Fontenoy

Maud Fontenoy (service de presse)

Votre histoire personnelle est déjà un livre, n’est-ce pas ?
J’ai passé plus de la moitié de ma vie sur les océans. J’ai embarqué pour la première fois alors que j’étais sept jours sur le bateau familial, et j’ai toujours aimé la mer avec passion. Au fil de mes aventures, j’ai tenté de saisir les défis qui jusqu’alors n’étaient relevés que par les hommes. J’ai essayé de montrer que tout est possible : il ne faut pas de gros bras, juste une grande volonté. Si j’y suis parvenu, en ramant seul et sans assistance, n’importe qui peut le faire.

Pourquoi a-t-il écrit Blu ?
C’est mon 26e livre sur la mer. Je voudrais encourager tout le monde à le protéger. Où que soit notre maison, nous serons inextricablement liés : le “grand bleu” est notre défi ultime, c’est de cela dont parle le livre.

Un grand défi pour tous

Un challenge utile pour nous protéger nous aussi les humains.
Bien sûr, c’est la raison pour laquelle j’aime toujours raconter comment les scientifiques s’inspirent de nos océans pour trouver des solutions. Prenons la peau de requin par exemple. Il arrive que chaque année environ 120 millions de requins soient tués uniquement pour leurs ailerons, mais en même temps il y a une start-up qui s’est inspirée de la peau de cet animal qui a la particularité d’empêcher les bactéries d’y adhérer. que ce nouveau revêtement aille recouvrir les intérieurs de nos hôpitaux pour éviter la prolifération des maladies. Génial, n’est-ce pas ?

Un politicien à qui vous donneriez votre livre ?
Au président Macron : J’espère qu’il fera de la conservation des océans une grande cause nationale.

Une œuvre d’art qui se rapproche le plus de la puissance et du mystère de l’océan.
Je l’aime beaucoup Le bateau ivre, un poème d’Arthur Rimbaud. Je pense aux vers “L’orage a souri à mes réveils en mer / Plus léger qu’un bouchon j’ai dansé sur les flots / Qu’on appelle les éternels blessés des victimes / Dix nuits, sans regretter l’œil insipide des phares !”

Dans une autre vie ce sera…
Peut-être en Italie. J’habite à Nice et j’y vais souvent. J’aime la chaleur, la beauté et la richesse culturelle de votre pays : je pourrais très bien y vivre. Plus que le lieu, cependant, pour moi en réalité autre chose compte : ma famille. C’est l’épine dorsale de ma vie. Alors si seulement je déménageais avec eux, j’irais n’importe où, en tout cas jamais loin de la mer. Quel travail ferais-je ? Professeur à l’école. J’apprécie vraiment instruire des enfants.

Oceanix, en Corée du Sud la ville flottante du futur contre la montée du niveau de la mer

Oceanix, en Corée du Sud la ville flottante du futur contre la montée du niveau de la mer

La fragilité de la mer

Lorsqu’elle est seule au milieu de la mer, que ressent Maud Fontenoy ?
Le bonheur de pouvoir regarder la terre ferme de loin comme s’il s’agissait d’un tableau d’auteur : plus on est loin, plus on l’apprécie. Mais la solitude demeure, la chose la plus difficile à vivre, même si c’était votre choix. Dans ces moments-là, vous vous rendez compte que nous sommes tous grégaires, viscéralement liés les uns aux autres. Quand on part et qu’on reste seul plus de cinq mois, on ne peut s’empêcher de penser à la vie, chez soi, à ce qu’on a envie de faire à son retour. Les tempêtes vous rendent humble.

Qu’enseignez-vous à vos enfants ?
Mes enfants ont entre trois et treize ans. Nous faisons attention à tout ce que nous achetons. Ils n’ont pas de jouets en plastique. Chaque jour, nous parlons de la protection de l’océan : ce sont mes premiers ambassadeurs !

Qu’est-ce que l’océan pour vous ?
Une personne, toujours. Je lui dois le sang qui coule dans mes veines. Parfois, il est très masculin, c’est-à-dire brutal pendant les tempêtes. Parfois plus maternelle : ça arrive quand je me souviens d’enfants ou quand j’ai la chance d’observer des couchers de soleil exceptionnels au beau milieu du Pacifique.

Sauver une baleine, c’est sauver le travail que 1500 arbres feraient pour notre survie. Comment pouvons-nous apporter notre petite contribution en vacances ?
Utilisez une crème solaire qui porte la mention “Ocean protect”, vous protégerez les écosystèmes proches des côtes. L’huile solaire crée un film à la surface de l’eau et empêche la photosynthèse. Tout ce qui touche à notre climat, aux énergies renouvelables, à notre santé et à nos rêves est là, sous nos yeux. Le grand bleu doit être défendu, et notre égoïsme est l’ennemi.

iO Donna © REPRODUCTION RÉSERVÉE



ttn-fr-13