Sur le canapé avec son thérapeute, elle passe du rire éclatant à la panique pour finalement tourner dans les profondeurs. Elle est allongée sur le dos, les mains jointes, le regard vaguement fixé au loin. Après la mort de son mari, Merle (Lotte Driessen) devient confuse. Elle entend des voix et des émotions tourbillonner ; réalité et fantasme deviennent inextricables.
Le réalisateur Mattias van de Vijver mélange les époques et les réalités dans une performance de théâtre musical Orchestre Soledad. D’un côté de la scène, le mari de Merle (Reinout Scholten van Aschat) s’entraîne avec sa chorale ; en revanche, les conversations que Merle a avec son thérapeute déraillent. Bientôt, ces mondes se mélangent. Les membres de la chorale deviennent des voix dans l’univers de la femme en deuil et apparaissent à ses côtés dans les couloirs de l’institution où elle se retrouve.
Cauchemars
La confusion croissante qui en résulte est magnifiquement jouée par Lotte Driessen. Au début, elle est toujours accessible, on peut toujours suivre la conversation sur ce canapé, mais elle a de moins en moins de contrôle sur son comportement. Elle est prise dans des cauchemars et ne comprend plus le monde. Driessen le fait sans perdre en sympathie et – malgré les grandes émotions – elle reste crédible.
L’adversaire Scholten van Aschat jongle également à merveille avec les facettes de son rôle. Il est fort dans les moments dramatiques, mais il sait aussi trouver le ton juste dans les intermèdes humoristiques. Il reste léger et sait frapper, par exemple lorsqu’il reçoit sa condamnation à mort par téléphone : une maladie incurable. Le bourdonnement du téléphone qui sonne – un « bzzz » menaçant – est un son récurrent dans les scènes.
Un ensemble de stagiaires, qui étudient encore dans diverses écoles de théâtre, entoure les deux comédiens expérimentés. Ils forment une chorale d’amateurs, se versant du thé et lisant les étiquettes semi-philosophiques sur les sacs, réchauffant leurs voix. Dans ce groupe de talents, les capacités vocales ressortent (Serah Doku Meijboom) et les acteurs excellent dans la comédie sèche (Sem Abelskamp).
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Dans le texte de Ludwig Bindervoet, les scènes de chœur font contrepoids aux scènes sur le canapé. Quand les mondes se mélangent, les choses deviennent plus sérieuses, parfois sombres. La musique live, accompagnée de Scholten van Aschat aux touches, est essentielle. Les mélodies du chœur alternent entre parties électroniques et mélodies jazzy. En plus d’une bande sonore pour les dialogues, le chant choral rassemble également les personnages. Ainsi la solitude est parfois levée pour un instant, les voix comme une toile qui rattrape les perdus.
Le metteur en scène Van de Vijver a basé sa représentation théâtrale sur ses propres expériences. Dans les scènes avec des praticiens – qui ne connaissent qu’à moitié les dossiers ou qui semblent avoir oublié que les personnes confuses sont aussi des personnes – la critique de notre système de santé transparaît. Les faits sont parfois énoncés avec insistance, mais dans leur ensemble Orchestre Soledad un portrait désarmant de quelqu’un qui s’emmêle, d’abord en lui-même puis dans une démarche médicale. En fin de compte, c’est la musique qui apporte soutien et réconfort.
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