Albanie, le tribunal de Rome saisit la Cour de l’UE et suspend la détention des migrants : ils retourneront en Italie

Quatre questions à la Cour européenne

Dans les cinquante pages de la disposition, les juges romains posent à la Cour européenne quatre questions lui demandant de « clarifier divers aspects de compatibilité douteuse avec la réglementation supranationale » qui sont apparus précisément après l’introduction par le gouvernement du dernier décret législatif sur les pays sûrs. Selon le tribunal, le gouvernement a adopté une interprétation du droit de l’Union européenne et de l’arrêt de la Cour de justice du 4 octobre « divergeant de celle suivie par le tribunal de Rome lors de précédentes procédures de validation des personnes emmenées en Albanie et y détenues ». Plus précisément, ils demandent si le droit de l’Union s’oppose à ce qu’un législateur national, compétent pour permettre l’établissement de listes de pays d’origine sûrs et pour réglementer les critères à suivre et les sources à utiliser à cette fin, désigne également directement, avec un mandat primaire acte législatif, un Etat tiers comme pays d’origine sûr ».

Salvini : « Une autre condamnation politique contre les Italiens et leur sécurité »

La réaction du vice-premier ministre et ministre de l’Infrastructure a été immédiate, Matteo Salvini: «Une autre condamnation politique non pas contre le gouvernement, mais contre les Italiens et leur sécurité. Le gouvernement et le Parlement ont le droit de réagir pour protéger les citoyens, et ils le feront. A moins qu’entre-temps un autre magistrat ne me condamne à six ans de prison pour avoir défendu les frontières… ». Il s’agit de la demande de l’accusation dans le procès Open Arms, qui le met au banc des accusés pour avoir illégalement refusé au navire de l’ONG espagnole Open Arms de débarquer 147 migrants secourus en mer dans le port de Lampedusa au cours de l’été 2019. Lors du rassemblement des dirigeants de centre-droit qui se tient à Bologne, le numéro un de la Ligue ajoute : « Personne ne m’enlève l’idée que ces phrases sont utilisées par les coopératives rouges pour gagner de l’argent ». Il est soutenu par Claudio Borghi, de la Ligue, qui crie au Palazzo Madama que « les magistrats ont dépassé les limites » et « démontrent qu’ils sont hors la loi ».

Tajani: «Décision inacceptable, elle va à l’encontre de la répartition tripartite des pouvoirs»

Tons très durs également de la part de l’autre vice-premier ministre, le ministre des Affaires étrangères Antonio Tajani: «Dans une démocratie, il y a une répartition tripartite des pouvoirs. Lorsqu’une de ces puissances dépasse ses frontières, elle met la démocratie en difficulté. Certains magistrats tentent d’imposer leur ligne politique au Gouvernement. Ce n’est pas acceptable. » «Ce n’est pas un magistrat – a ajouté le leader de Forza Italia – qui décide quel est un pays sûr parce qu’il ne le sait pas, parce qu’il ne s’occupe pas de ces choses. Si le gouvernement qui dispose des outils pour le faire affirme que le pays est sûr, alors quelque chose ne fonctionne pas. » Le président des sénateurs bleus à l’assemblée du Sénat va plus loin en parlant d’« un Capitole à l’envers » : « Les magistrats sont subversifs, il faut une refondation du pouvoir judiciaire ».

L’Association Nationale de la Magistrature : « Les juges font leur devoir »

Face aux propos du vice-premier ministre et des représentants de la majorité, l’ANM intervient en défense des magistrats. «Je veux juste rappeler – dit le secrétaire général Salvatore Casciaro – que la primauté du droit de l’Union européenne est l’architrave sur laquelle s’appuie la communauté des tribunaux nationaux et qu’elle impose au juge, lorsqu’il estime que la législation interne est incompatible avec celle de l’Union. , d’appliquer cette dernière ou, en cas de doute, de poser une question préjudicielle, ce qui a été fait en l’espèce par le tribunal de Rome ». Le message est clair : « On ne peut donc pas se plaindre du fait que les juges font leur devoir, ni leur reprocher les échecs dans la poursuite des politiques migratoires dont il appartient évidemment au Gouvernement de décider mais qui ne peuvent ignorer le cadre réglementaire européen et supranational dans lequel ils lieu ».

Opposition à l’attaque: «Assez de gaspillage, Piantedosi devrait se présenter à la Chambre»

Les partis d’opposition ont décidé d’attaquer l’exécutif. Le responsable de la sécurité tonne du Parti démocrate Matteo Mauri: « Voilà pour le soi-disant « modèle albanais ». C’est le « modèle Meloni » : violation des droits, contrainte institutionnelle, policiers licenciés de leur travail en Italie et argent jeté par les fenêtres ! Combien de temps leur faudra-t-il pour arrêter ces pitreries ?! » Même le sénateur Filippo Sensi il est découragé : « L’ineptie, l’incapacité, le gaspillage, l’inutilité sont vraiment incroyables. » Mon collègue du M5S Alphonse Colucci dénonce les « ignobles spéculations faites sur la peau des gens ». Pour le député Riccardo Magi (+Europe) «le Gouvernement a l’obligation d’arrêter les expulsions : il ne peut et ne doit pas y avoir de troisième mission avant l’arrêt de la Cour de Justice de l’UE sur les pays sûrs». Magi demande également le retrait de l’amendement par lequel le décret sur les pays sûrs a été fusionné avec le décret sur les flux au Sénat. Tandis que le leader du groupe Italia Viva au Palazzo Madama, Enrico Borghidit à la Chambre: «Il est essentiel que le Ministre de l’Intérieur vienne dans cette Chambre et explique ce qui se passe dans ce pays!».



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