Un essai reconstitue la bibliothèque incendiée à Berlin pour détruire les idées de liberté des poètes et des écrivains. A redécouvrir justement parce qu’il était détesté par les nazis


Serena Dandini (photo de Gianmarco Chieregato).

C‘c’est un immense bibliothèque souterraine complètement vide au centre de Berlin. Plus précisément sur la Bebelplaz, non loin de l’Opéra et de la cathédrale Saint-Hedwige, la plus ancienne église catholique romaine de la ville.

Il s’avère que c’est presque par hasard, en marchant sur le trottoir vous le retrouverez comme par magie sous vos pieds protégé par une feuille transparente. Il s’agit d’une bibliothèque qui pourrait contenir plus de vingt mille volumes et qui possède des étagères vides sous verre.

Personne ne peut prendre ou laisser un livre, mais ce manque est le plus grand hommage à l’importance de la culture.un avertissement à tous les êtres humains qui espèrent encore changer ce monde minable pour le mieux.

Est appelé La bibliothèque et c’est l’installation de l’artiste israélien Micha Ullman pour se souvenir de la nuit du 10 mai 1933lorsque des milliers de livres « indésirables » pour les nazis ont été brûlés sur place, sur cette place et sur de nombreuses autres places allemandes, pillés dans les bibliothèques publiques et privées de tout le pays. Un incendie terrible qui voulait détruire les idées libres et démocratiques ainsi que les pages des grands poètes et écrivains.

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L’écrivain Fabio Stassi vient de revenir sur les lieux de ces “crimes” et vient de les publier Place Bebel. La nuit des livres brûlés (Sellerio), un voyage dans le temps pour comprendre l’aveuglement des régimes d’hier mais aussi notre incapacité à tirer les leçons de l’histoire.

« La Bibliothèque », l’installation de Micha Ullman pour commémorer l’autodafé de livres nazi qui a eu lieu sur la Bebelplatz, à Berlin, le 10 mai 1933 (photo Alamy/Ipa).

Il semblait que la Seconde Guerre mondiale, avec ses horreurs et le despotisme des dictatures, nous avait appris à ne pas répéter les mêmes erreurs et pourtant nous sommes ici confrontés à de nouvelles guerres et à de nouvelles horreurs. C’est précisément dans ce parallèle déchirant et contradictoire qu’il évolue les recherches intéressantes de l’auteur qui reconstitue pour nous la bibliothèque partie en fumée, pourchassant ses auteursde Sigmund Freud au doux poète Heinrich Heine qui, bien des années avant le nazisme, avait écrit ce qui est aujourd’hui considéré comme une prophétie : « Là où les livres sont brûlés, les hommes finissent aussi par brûler ».

« Place Bebel. La nuit des livres brûlés” de Fabio Stassi (Sellerio)

Chaque fois qu’un gouvernement veut imposer une norme culturelle, nous devrions avoir peur et agir. Lire et choisir les auteurs que nous aimons le plus reste un acte de rébellion qui nous maintient éveillés et libres, bien plus que faire défiler des images sur n’importe quel appareil électronique.

Et le précieux livre de Stassi est aussi une invitation à reprendre les auteurs de cette bibliothèque qui a pris feu.. Si les nazis les ont brûlés, cela vaut certainement la peine de collectionner ces volumes et de les relire avec passion.

Tous les articles de Serena Dandini.

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