Premiers instincts vs secondes réflexions, de quel côté êtes-vous ?


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Une première impression suggère qu’il n’y a rien à gagner à lire le nouveau livre d’énigmes d’Alex Bellos, Réfléchissez à deux foissauf une heure ou deux de diversion agréable. Mais comme le livre le précise clairement, les premières impressions peuvent être trompeuses.

Bellos propose un type de puzzle très particulier : celui où il y a une réponse évidente, et la réponse évidente est fausse.

On pourrait décrire ces énigmes comme des « questions pièges », mais il ne s’agit pas là de simples frivolités. Il est difficile d’imaginer une énigme qui nous offre plus d’enseignements pratiques que la question piège.

Par exemple : quelle théière peut contenir le plus, une grande et élégante ou une théière trapue mais légèrement plus large ? La réponse : regardez où se termine le bec. La théière peut s’élever aussi haut que vous le souhaitez, mais si l’ouverture du bec est basse, vous ne la trouverez pas contenant beaucoup de thé. L’apparence d’une grande échelle peut être trompeuse : la leçon est de rechercher le maillon le plus faible de tout système.

Ou essayez celui-ci : « Jack regarde Anne, mais Anne regarde George. Jack est marié, mais George ne l’est pas. Une personne mariée regarde-t-elle une personne célibataire ? C’est un choix multiple : oui, non ou ne peut pas être déterminé.

Bellos a confié celui-ci aux vétérans grisonnants de sa chronique de casse-tête dans le journal et les a avertis qu’ils se tromperaient. Soixante-douze pour cent d’entre eux l’ont fait – pire que le proverbial chimpanzé lanceur de fléchettes. Le psychologue Keith Stanovich a découvert que le taux d’échec typique sur ce puzzle est encore plus élevé, à plus de 80 pour cent.

Ou encore, un classique du genre : Agatha et Zoé ont ensemble 50 ans. Agatha a 40 ans de plus que Zoé. Quel âge a Zoé ?

Celui-ci est absurdement facile si vous prenez un moment pour vous arrêter et réfléchir. Beaucoup de gens ne le font pas et laissent échapper que Zoé a 10 ans. Mais pourquoi hésiteraient-ils de toute façon ? Nos esprits sont des machines qui permettent de tirer des conclusions rapides dans un monde en évolution rapide. Ralentir pour raisonner dans les moindres détails demande un effort de volonté.

Pourtant, il est parfois utile de s’arrêter et d’y réfléchir à nouveau. Considérez le problème auquel sont confrontés d’innombrables étudiants lorsqu’ils passent des examens à choix multiples, écrivent une réponse et réfléchissent ensuite. Doivent-ils s’en tenir à leurs premiers instincts ou doivent-ils changer ?

Il existe un consensus écrasant sur cette question. Les étudiants, les instructeurs et même certains guides d’examen avertissent le candidat hésitant de s’en tenir à sa première pensée. « De nombreux étudiants qui changent de réponse adoptent la mauvaise réponse », prévient un guide – ce qui, quand on y réfléchit, peut être vrai, mais ne constitue pas non plus une bonne base pour conseiller aux étudiants de ne pas changer.

Même si le consensus semble écrasant, il est tout à fait erroné. Un siècle de recherche universitaire sur la question démontre clairement que lorsque vous avez des doutes sur un test à choix multiples, c’est une bonne idée de modifier votre réponse. En effet, l’écart entre nos croyances et les preuves est si marqué que les psychologues lui ont donné un nom : « l’erreur du premier instinct ».


Nos premiers instincts sont souvent bons, pour être sûr. Mais lorsque nous avons des doutes, c’est un signe de difficulté : des doutes nous viennent généralement à l’esprit pour une raison.

Pourquoi sommes-nous si réticents à céder à nos doutes ? Les psychologues Derrick Wirtz, Dale Miller et Justin Kruger (celui qui a étudié l’effet Dunning-Kruger) ont mené des expériences montrant que nous avons tendance à mémoriser mal les résultats d’un changement de réponse. Nous avons tendance à nous souvenir des moments où changer de solution était une erreur et à surestimer la fréquence à laquelle nous avons obtenu de bons résultats en nous en tenant à notre première estimation. Les mêmes chercheurs ont également découvert que les gens étaient frustrés par le fait que leurs coéquipiers dans un jeu-questionnaire changeaient de réponse, quelle que soit leur performance globale dans le jeu.

Et cette recherche sur l’erreur du premier instinct suppose que les secondes pensées se produisent même. Trop souvent, ce n’est pas le cas. Le livre de Bellos met les lecteurs au défi d’y réfléchir à deux fois (l’indice est dans le titre), et pourtant beaucoup tombent encore dans les pièges cognitifs qu’il tend. Lorsqu’une réponse nous vient à l’esprit et nous semble correcte, il est facile de confondre ce sentiment avec la vérité.

Alors que nous nous éloignons des questions à choix multiples et des livres d’énigmes pour entrer dans l’environnement informationnel quotidien des médias et des réseaux sociaux, nous sommes sans cesse confrontés à des affirmations qui semblent intuitivement vraies (ou intuitivement absurdes) et qui permettent de tirer des conclusions hâtives. On est rarement averti de réfléchir à deux fois sur X ou Facebook, mais l’avertissement serait néanmoins utile.

Il ne s’agit pas de simples spéculations : Gordon Pennycook, David Rand et d’autres, spécialistes du comportement qui étudient la désinformation et la façon dont nous y réagissons, ont découvert que les personnes qui réussissent mal à répondre à des questions délicates (le terme artistique est « problèmes de réflexion cognitive ») Ils sont plus susceptibles de partager des informations erronées en ligne et sont également plus susceptibles de se laisser prendre à des mensonges de nature politiquement partisane.

C’est une découverte frappante : elle suggère que la détection des fausses nouvelles est plus une question de réflexion sereine que d’intelligence brute ou d’expertise technique. Un constat également encourageant – si seulement nous pouvions trouver quelques oasis de calme sur Internet.

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