Le choix inattendu du Premier ministre japonais


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En élisant un nouveau Premier ministre, le parti libéral-démocrate au pouvoir au Japon aurait pu opter pour un changement de génération avec Shinjiro Koizumi, 43 ans. Il aurait pu choisir un retour au conservatisme nationaliste de l’ancien dirigeant Shinzo Abe – et avec lui une première femme Premier ministre – sous la forme de Sanae Takaichi. Au lieu de cela, il a franchi la porte numéro trois, une porte inattendue, et a sélectionné Shigeru Ishiba, 67 ans, quelque peu marginal au sein de son propre parti, qui a triomphé et a remporté le poste le plus élevé à la cinquième fois.

Ishiba est largement respecté en tant qu’expert en politique de défense et dirigeant honnête et consciencieux, proche de ses électeurs ruraux de la préfecture de Tottori. Il a été, entre autres, ministre de la Défense et ministre de l’Agriculture. Il s’agit pourtant d’une figure singulière, plus populaire auprès du public que auprès de ses collègues parlementaires, qui a passé la dernière décennie en dehors des grands courants de la politique japonaise. En matière d’économie, d’alliance américano-japonaise et de gestion de son propre parti, certaines des positions passées d’Ishiba rendront plus difficile la gestion d’une administration réussie. Le nouveau Premier ministre a du pain sur la planche.

Le défi le plus immédiat d’Ishiba sera de former un cabinet. Compte tenu de son hostilité à l’égard des puissants tels que l’ancien Premier ministre Taro Aso, il sera difficile de trouver un juste équilibre. Le chemin vers la victoire d’Ishiba s’est appuyé sur le soutien des membres du parti régional, qui l’ont catapulté au second tour des parlementaires avec Takaichi, le candidat de droite. Ishiba a été le deuxième choix parmi un nombre suffisant de ses camarades pour sortir vainqueur de justesse, par 215 voix contre 194, mais sa base de soutien au sein du parti parlementaire est faible. Ishiba est susceptible de déclencher des élections générales rapidement. La victoire renforcera sa position. Mais il devra surveiller ses rivaux internes avec au moins autant d’attention qu’il s’occupe de l’opposition officielle.

Sur le plan économique, Ishiba a indiqué qu’il s’en tiendrait pour l’instant aux politiques de son prédécesseur, Fumio Kishida, qui restent, pour l’essentiel, celles d’Abe. C’est raisonnable. Ishiba est favorable à la poursuite de la normalisation de la politique monétaire de la Banque du Japon, ce qui est souhaitable, à condition qu’elle soit compatible avec le maintien de l’inflation à l’objectif de 2 pour cent.

Cependant, dans le passé, il était un farouche opposant aux mesures de relance d’Abe. Il a parlé d’augmenter les impôts des entreprises. Il est ardemment favorable à la revitalisation économique de la région japonaise, même si la manière dont il pourrait y parvenir n’est pas claire. Aucun de ses discours ne soutient manifestement la croissance économique. Le yen a augmenté et les contrats à terme sur actions ont chuté à l’annonce de sa victoire.

Au cours de la campagne à la direction, Ishiba a parlé de créer une OTAN asiatique, vraisemblablement pour défendre ses membres contre la Chine. Pourtant, on ne sait pas clairement qui, à part le Japon, souhaiterait y adhérer. Il est probable qu’il maintienne, au moins, les relations améliorées du Japon avec la Corée du Sud.

Ishiba s’est souvent opposé à l’inégalité de l’alliance américano-japonaise, dans le cadre de laquelle Washington protège Tokyo, mais le Japon est obligé d’accueillir des troupes américaines sur son sol. Il est difficile d’imaginer Ishiba – un homme sérieux et sérieux – discuter de son désir de remodeler l’alliance avec un mercenaire et isolationniste Donald Trump, si ce dernier retrouvait la présidence des États-Unis dans quelques semaines.

Après les défaites de 2008, 2012, 2018 et 2020, l’obtention du poste de Premier ministre par Ishiba témoigne du pouvoir de la persévérance. Sa personnalité authentique et son respect évident pour les électeurs lui confèrent un attrait public. Toutefois, pour réussir à la tête d’un parti divisé, il devra faire preuve d’un fort esprit de pragmatisme, au moins dans un premier temps, plutôt que de poursuivre ses propres projets politiques de longue date.



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