L’Europe doit libérer son union bancaire


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L’annonce faite la semaine dernière par Unicredit de l’acquisition d’une participation de 9 % dans Commerzbank a suscité un émoi rare parmi les observateurs bancaires européens. Dans le système bancaire très fragmenté du continent, les fusions se limitent souvent à des entités d’un même pays et l’activité de prêt est largement axée sur le marché intérieur. Les observateurs espéraient que l’opération de la banque italienne pourrait ouvrir la voie Il s’agit d’un rapprochement plus étroit entre les deux plus grandes banques cotées en bourse d’Italie et d’Allemagne, et d’un coup d’accélérateur à la consolidation dans l’ensemble de l’Union. Quoi qu’il arrive, Bruxelles sait que pour concourir à la suprématie industrielle verte et de haute technologie, l’UE doit tirer parti de la puissance de financement combinée de son système bancaire.

Le rapport de l’ancien Premier ministre italien Mario Draghi sur l’économie européenne a estimé la semaine dernière que l’Union européenne devait augmenter ses dépenses d’investissement de 800 milliards d’euros par an pour rester compétitive. Mais le manque de taille des prêteurs privés de l’UE constitue un obstacle majeur à la relance de l’investissement. Par exemple, JPMorgan Chase, la plus grande banque américaine, a une capitalisation boursière supérieure à celle des dix plus grandes banques de l’UE réunies. Dans le secteur bancaire, la taille compte. Les grandes banques peuvent répartir les risques et bénéficier d’une meilleure efficacité des coûts, ce qui contribue à générer des bénéfices plus élevés et, par conséquent, davantage d’opportunités de financement.

Dans un marché unique européen comptant 23 millions d’entreprises et 450 millions de personnes, les banques européennes ont la possibilité de lever des fonds à grande échelle. Mais leur capacité à en tirer parti par le biais de consolidations ou d’un élargissement des prêts régionaux est limitée.

L’activité de fusions et acquisitions transfrontalières dans le secteur bancaire européen a été particulièrement faible depuis la crise financière mondiale. La valeur des transactions dans la zone euro, mesurée par le total des actifs des cibles de fusions et acquisitions, a chuté de environ les deux tiers Selon les recherches de la BCE, la tendance s’est inversée entre la décennie précédant la crise et la période qui a suivi 2008 jusqu’à la pandémie de Covid-19. Les raisons sont multiples. Les gouvernements européens qui ont dû renflouer les prêteurs internationaux pendant la crise ont été plus prudents à l’égard des fusions transfrontalières. Il existe également souvent une volonté de soutenir les champions nationaux et de protéger les réseaux bancaires provinciaux.

Les banques qui tentent de s’étendre au-delà de leurs frontières nationales doivent également faire face à une multitude de formalités administratives, notamment des différences en matière de fiscalité, de comptabilité et d’insolvabilité, de droit du travail et de marchés des valeurs mobilières. Cela explique en partie pourquoi les prêts transfrontaliers et les fusions sont peu nombreux. Les autorités bancaires européennes ont également la réputation d’être plus restrictives que leurs homologues internationales.

La baisse des taux d’intérêt, qui risque de comprimer les marges, oblige les banques européennes à innover ou à trouver des gains d’efficacité pour accroître leur rentabilité. Cela pourrait encourager un intérêt accru pour les fusions et acquisitions, mais Bruxelles doit également faire davantage pour s’assurer qu’il y ait moins d’obstacles aux fusions et acquisitions transfrontalières et aux opportunités de prêts commercialement viables.

Cela signifie qu’il faut surmonter les résistances politiques nationales à l’union bancaire. Un système de dépôt commun, par exemple, pourrait contribuer à réduire les inquiétudes concernant les mouvements internationaux de capitaux et de liquidités, et l’harmonisation et la rationalisation des réglementations nationales faciliteraient considérablement le financement transfrontalier. Un marché des capitaux mieux intégré serait également utile. L’écart persistant de rendement des capitaux propres entre les prêteurs européens et américains est en partie dû à l’avantage dont disposent les banques américaines pour générer des revenus grâce à leurs vastes activités de banque d’investissement et de trading. De multiples sources de revenus solides soutiennent la capacité des banques à évoluer.

L’Europe devra tôt ou tard unifier son système bancaire, faute de quoi elle verra son écart économique avec l’Amérique et la Chine se creuser encore davantage.



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