Déplacer des prisonniers à l’étranger ? Ce n’est pas si facile


Nos criminels partent-ils à l’étranger ? Si cela ne tenait qu’à la secrétaire d’État Ingrid Coenradie (Justice et Sécurité, PVV), oui. Coenradie souhaiterait enfermer des détenus en Estonie, titrait RTL News lundi soir, en s’appuyant sur des sources anonymes. Elle souhaite ainsi alléger la pression sur les centres de détention néerlandais.

Le système pénitentiaire néerlandais est confronté depuis des années à une grave crise de capacité. L’Agence des institutions judiciaires (DJI) souffre d’un manque de personnel et d’un fort absentéisme parmi le personnel existant, ce qui fait que de plus en plus de condamnés attendent leur peine en liberté. Une situation peu satisfaisante pour le nouveau cabinet de droite qui veut se montrer plus dur envers les criminels.

C’est pourquoi le nouveau secrétaire d’État souhaite envoyer des centaines de prisonniers en Estonie le plus rapidement possible, à partir de 2026. Les autorités se seraient déjà rendues dans le pays et auraient trouvé la prison de Tartu la plus appropriée. Dans quelle mesure est-ce réaliste ?

Il s’agit d’un « plan assez sauvage », estime Sanne Struijk, professeur de droit des sanctions à l’université Erasmus de Rotterdam. « Cela semble très simple, mais ce n’est pas du tout le cas. Les Pays-Bas ont leur propre système avec certains droits pour les détenus. Comment cela se compare-t-il au système juridique d’un autre pays ? Les prisonniers dans un autre pays ont-ils les mêmes droits qu’ici ? C’est peu probable dans un pays comme l’Estonie.»

La raison de ce doute est le rapport périodique du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT). Le CPT visite régulièrement les centres de détention dans les États membres de l’UE pour s’assurer qu’il n’y a pas de violations des droits de l’homme.

En Estonie, les prisonniers seraient détenus dans des conditions épouvantables, sans possibilité de respirer

Dans le dernier rapport du CPT sur les prisons estoniennes, le comité s’est dit « très préoccupé » par les « conditions désastreuses » constatées dans plusieurs prisons et commissariats de police, ainsi que par les très petites cellules, dont certaines mesuraient à peine 5 mètres carrés. En outre, la grande majorité des prisonniers restaient assis dans leur cellule toute la journée pendant des mois, voire des années dans certains cas, sans être autorisés à se défouler de temps en temps.

Des étrangers

Un porte-parole du secrétaire d’État ne souhaite pas réagir aux informations de RTL et refuse de confirmer si l’Estonie est la destination envisagée. Mais la semaine dernière, des médias britanniques ont rapporté que le Royaume-Uni envisageait également d’alléger la pression sur ses prisons surpeuplées en transférant les prisonniers vers l’Estonie, après que le pays lui-même ait proposé de « louer » des cellules à d’autres pays. La ministre estonienne de la Justice, Liisa Pakosta, a confirmé à la BBC que ce projet avait bien été discuté avec son homologue britannique, mais qu’il n’y avait pas encore d’accord clair.

La prise en charge de prisonniers étrangers est bénéfique pour l’Estonie. Le faible taux de criminalité du pays a laissé les prisons à moitié vides, laissant espérer que les criminels britanniques pourront apporter un coup de pouce indispensable de 30 millions d’euros (25 millions de livres sterling) aux finances publiques du pays, selon des rapports. Le télégraphe.

En août dernier, Coenradie a annoncé dans une lettre au Parlement qu’il « rechercherait activement des solutions au niveau international », comme par exemple autoriser « certains groupes » à purger leur peine à l’étranger. L’un de ces groupes, selon le ministre, est la population VRIS : les étrangers.

Lire aussi

Les cellules néerlandaises ne peuvent plus être remplies

Sonja Meijer, professeur de droit pénitentiaire à l’université de Radboud, est « choquée » par cette idée et estime que le raisonnement derrière le déplacement des étrangers est « trop ​​simpliste ». Car dès leur libération, ils doivent en principe quitter les Pays-Bas. « Mais là aussi, il faut travailler sur la resocialisation. Ce n’est pas possible si vous êtes emprisonné en Estonie.

Punir plus intelligemment

Aux Pays-Bas, les prisonniers ont en outre le droit de leur rendre visite une fois par semaine, explique Meijer. Lorsque les Pays-Bas ont loué des espaces cellulaires à la Belgique, entre autres, entre 2010 et 2016 – ce qui a inspiré le prétendu plan actuel de Coenradie – cela pouvait encore être arrangé dans une certaine mesure. « Les détenus belges ont ensuite été placés juste de l’autre côté de la frontière, près de Tilburg, afin que le droit de visite puisse toujours être exercé. Mais dans ce cas, ce n’est pas possible. Il existe encore un surplus de cellules, mais le manque de personnel est si grave qu’elles ne peuvent plus être occupées.

La mesure d’urgence ne comprend pas la situation aux Pays-Bas, estime Struijk, qui la qualifie de « solution finie ». « Une autre solution serait par exemple la détention électronique, avec un bracelet à la cheville, avec lequel les détenus pourraient purger leur peine à domicile. Bien sûr pour les délits mineurs qui nécessitent des peines courtes.

Selon Struijk, des exemples provenant d’autres pays montrent déjà que cette méthode réduit la récurrence des comportements criminels. Franc Weerwind, l’ancien ministre de la Protection juridique, a envoyé l’année dernière une lettre au Parlement concernant, entre autres, cette méthode de « punition plus intelligente », comme il l’appelait. « Mais depuis, c’est calme. »






ttn-fr-33