La chorégraphie de la mort de l’Iran et d’Israël doit cesser


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L’auteur est l’auteur de « Black Wave », membre distingué de l’Institute of Global Politics de l’Université de Columbia et rédacteur en chef du FT.

Un calme précaire s’est installé jeudi au Moyen-Orient. Alors que les affrontements se sont apaisés à la frontière entre le Liban et Israël, les efforts diplomatiques pour éviter le pire ont été intensifiés. Le Hezbollah a inhumé son commandant assassiné Fuad Shukr et Téhéran a organisé un cortège funèbre pour le chef du Hamas Ismail Haniyeh.

Mais un Iran humilié et un Israël divisé semblent bien partis pour entraîner le Moyen-Orient dans une spirale de violence dangereuse. Les lignes rouges ont bougé et les règles d’engagement ont changé. Il y a là un danger supplémentaire. Les assassinats, qui ont suivi une attaque à la roquette qui a tué 12 enfants sur le plateau du Golan occupé, ont non seulement été perçus comme un revers général pour les négociations de cessez-le-feu, mais ils constituent également une grave rupture de confiance entre les négociateurs.

Le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar, Cheikh Mohammed Bin Abdulrahman al-Thani, a écrit sur la plateforme X : « Comment la médiation peut-elle réussir quand une partie assassine le négociateur de l’autre côté », en référence à Haniyeh.

Plus inquiétant encore, au Liban, un journal proche du Hezbollah accusé L’émissaire américain Amos Hochstein a accusé ses homologues libanais d’avoir induit en erreur et l’a tenu pour responsable de la mort de Shukr. Hochstein tentait depuis des mois de parvenir à un accord qui permettrait de calmer la frontière entre le Liban et Israël, y compris éventuellement un accord qui serait indépendant d’un cessez-le-feu à Gaza. Le journal a averti ceux qui parlent à Hochstein au Liban de cesser de le faire.

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, pourrait désormais choisir d’ajouter les assassinats de Shukr et Haniyeh à son bilan jusqu’ici vide, de calmer ses alliés de la coalition de droite, de se rassurer en pensant que la Knesset est en vacances jusqu’en octobre et de faire preuve d’une certaine souplesse dans les négociations sur le cessez-le-feu. Jeudi, Israël a également confirmé avoir tué le commandant militaire du Hamas Mohammed Deif lors d’une frappe il y a trois semaines à Gaza, bien que le Hamas ait refusé de le confirmer.

« Si Netanyahou veut trouver une solution pour mettre fin au conflit, il l’a certainement », m’a dit un haut responsable du Golfe. « Mais la question qui se pose à nous depuis le 8 octobre est : en veut-il une ? »

Si c’est le cas, il n’en a pas donné l’impression lors de sa déclaration télévisée mercredi après les deux assassinats. Les responsables arabes craignent que Netanyahou ne considère l’escalade régionale comme sa meilleure chance de rester au pouvoir. Téhéran a l’intention d’éviter un tel scénario et, sur ce seul point, il est sur la même longueur d’onde que la Maison Blanche depuis octobre.

L’Iran et le Hezbollah vont maintenant tenter de restaurer leur prestige après une violation flagrante de la sécurité à Téhéran et dans la banlieue sud de Beyrouth, un bastion du Hezbollah. Ils voudront rassurer leurs alliés, leurs mandataires et leur base que le soi-disant axe de résistance peut encore leur fournir une protection. Ils voudront aussi infliger des souffrances à Israël, plus qu’ils ne l’ont fait jusqu’à présent, mais pas au point de provoquer une réaction excessive de la part de l’Etat hébreu. S’exprimant lors des funérailles de Shukr, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a prévenu que c’est la réponse d’Israël qui déterminerait si une guerre ouverte éclaterait.

Nous avons déjà vu ce film sordide se dérouler auparavant. En avril, Israël a franchi une ligne rouge iranienne en tuant des membres de haut rang de ses gardes révolutionnaires dans le consulat iranien à Damas. L’Iran a riposté deux semaines plus tard en lançant des centaines de missiles et de drones sur Israël. L’action militaire iranienne a été minutieusement orchestrée et annoncée à l’avance. Israël était prêt à encaisser le coup : son Dôme de Fer, son Centcom et sa coordination régionale ont permis d’intercepter presque tous les missiles.

Cette fois, les représailles vont probablement se faire sur plusieurs fronts, et pas seulement de la part de l’Iran, et elles seront plus difficiles à intercepter et à contenir. En avril, l’administration Biden a conseillé à Israël de modérer sa propre réaction et de remporter la victoire. L’inimitié entre Israël et l’Iran, longtemps combattue par des guerres par procuration, s’est révélée au grand jour pendant un bref moment dramatique avant de retomber dans l’ombre.

Trois mois plus tard, nous y voilà à nouveau. Cette chorégraphie de missiles et de mort est dangereuse. Ce ne sont pas des jeux de guerre, mais la vraie vie. Et pendant que l’Iran et Israël se battent pour régler de vieux comptes, au lieu de chercher une solution, Gaza est en ruine, les autorités sanitaires locales ont déclaré une épidémie de polio et de nouveaux otages israéliens ont péri.

Il est temps pour Joe Biden de se montrer ferme avec Netanyahou au sujet de l’accord sur les otages et du lendemain de la guerre. Ce jour est venu. Lorsque ce dernier épisode de la série de cauchemars à laquelle personne n’a souscrit sera terminé, le message de Biden à Israël devra être clair : encaisser le coup, accepter la victoire, accepter l’accord.



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