Le Parlement français sans majorité absolue fait face à son premier test avec l’élection présidentielle


Les nouveaux députés élus en France sont en compétition et cherchent des alliances pour décrocher le prestigieux poste de président de l’Assemblée nationale, dans le premier test de la dynamique du pouvoir au sein du parlement sans majorité absolue du pays.

Lors d’un scrutin secret prévu jeudi après-midi, les 577 députés de la chambre basse éliront leur président, le quatrième poste le plus élevé du gouvernement, après que le nouvel organe élu se sera réuni pour la première fois.

Depuis les élections du 7 juillet, la France ne compte plus aucun parti ni aucune alliance susceptible de former une majorité absolue. Aucun nouveau gouvernement n’a été formé, tandis que le président Emmanuel Macron a chargé son Premier ministre sortant, Gabriel Attal, de rester en poste à titre intérimaire.

Le choix du président de l’Assemblée a pris une importance démesurée, puisque ce poste pourrait être un tremplin pour qu’une faction puisse prétendre au poste de Premier ministre, ou pour qu’une coalition alternative et souple émerge.

« Le choix du président de l’Assemblée est habituellement important, mais cette fois-ci il revêt une importance exceptionnelle, car il devra garantir l’équité des débats et contribuer à l’élaboration des compromis indispensables », a déclaré Jean Garrigues, historien spécialiste des institutions françaises.

Il a déclaré que cela « donnerait également un signal » sur qui pourrait devenir Premier ministre, « peut-être dans un gouvernement technique si aucun gouvernement politique ne peut être formé ».

Garrigues a ajouté que le Parlement fracturé signifiait que les partis devraient à nouveau apprendre à faire des compromis et à construire des coalitions – une pratique qui avait été perdue depuis la création de la Cinquième République en 1958 avec un système présidentiel.

Après avoir perdu environ 80 sièges et être arrivé deuxième aux élections, le groupe centriste de Macron a manœuvré ces derniers jours pour empêcher le vainqueur, l’alliance de gauche du Nouveau Front Populaire (NFP), de revendiquer la présidence de la chambre basse.

En remportant le plus grand nombre de sièges avec environ 180 députés, le NFP — composé du parti d’extrême gauche La France Insoumise (LFI), des socialistes et des verts plus modérés, et d’autres — aurait dû être en pole position pour que quelqu’un de ses rangs devienne Premier ministre, mais les luttes intestines l’ont laissé incapable de s’entendre sur un candidat.

Ils ont néanmoins réussi à présenter une candidature unifiée à la présidence de l’Assemblée nationale : le député communiste André Chassaigne.

Macron, qui a le pouvoir de nommer le Premier ministre, a également ignoré les appels du NFP à nommer un Premier ministre parmi ses membres. Il a plutôt plaidé pour un « pacte de gouvernement » large s’étendant du centre-gauche à la droite conservatrice, pour exclure LFI et le Rassemblement national (RN) d’extrême droite.

André Chassaigne
Le député communiste André Chassaigne est candidat à la présidence de l’Assemblée nationale © Ludovic Marin/AFP/Getty Images

Attal a entamé des discussions avec d’autres chefs de parti pour élaborer un accord aussi minimaliste autour d’une poignée de priorités législatives.

Les Républicains, un parti conservateur qui ne détient avec ses alliés qu’environ 55 sièges, apparaissent comme un acteur potentiel du pouvoir.

Laurent Wauquiez, député à la tête du groupe conservateur, a déclaré au Figaro que son parti travaillait également sur un « pacte législatif » à proposer au camp de Macron, comprenant des mesures pour augmenter le revenu disponible et réduire l’immigration, mais il a souligné qu’il n’était pas disposé à entrer dans un gouvernement de coalition.

Marc Ferracci, député et vice-président du groupe de Macron à l’Assemblée, a déclaré que la compétition pour la présidence de l’instance donnerait un signal sur la manière de résoudre l’impasse politique.

« Si le NFP prend le poste, cela mettra la pression sur le président pour qu’il choisisse un Premier ministre dans ses rangs, et d’un autre côté, si nous pouvons trouver un compromis avec les LR, c’est de bon augure pour nous de travailler avec eux », a-t-il déclaré.

« Nous ne voulons à aucun prix d’un gouvernement NFP, car il démantèlerait nos réformes économiques et nuirait à l’attractivité de la France. »

Pour remporter le poste, le candidat doit obtenir 289 voix, soit la majorité absolue. Si aucun candidat ne parvient à obtenir la majorité absolue après deux tours de scrutin, le candidat qui obtient le plus de voix au troisième tour l’emporte. De nouveaux candidats peuvent être présentés à tout moment.

La présidente sortante de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, membre du parti d’Emmanuel Macron, a annoncé sa candidature, tout comme un indépendant, Charles de Courson. Les Républicains devraient également proposer un nom.

Le Rassemblement national présentera le député Sébastien Chenu, mais ne l’emportera pas en raison de la forte opposition de l’extrême droite. Le parti de droite Horizons, autrefois membre de l’alliance centriste de Macron, présentera une députée du nom de Naïma Moutchou.

La nouvelle législature devra également bientôt sélectionner les députés qui siégeront aux commissions importantes, comme celles chargées des finances publiques, de la défense et des affaires étrangères. Chaque groupe politique devra également inscrire ses membres, ce qui permettra de dresser un premier tableau complet de la dynamique du pouvoir au sein des blocs.

Pour le Rassemblement national, les prochains jours sont également riches d’enjeux puisque les gauchistes et certains autres partis ont dit vouloir les exclure de postes cruciaux, comme celui des six vice-présidents de l’assemblée.

Renaud Labaye, secrétaire du groupe d’extrême droite, estime qu’une telle décision n’aurait guère de sens puisque le parti occupait deux postes de vice-président depuis l’élection de 2022, alors qu’il comptait 88 députés. Son contingent s’est maintenant élargi à 143.

« Nous avons remporté près de 11 millions de voix, et pourtant certains essaient de nous mettre à l’écart », a déclaré Labaye.

Marine Le Pen, cheffe du RN, s’est montrée méprisante à l’égard de ce qu’elle a appelé les « petits jeux partisans » de ses adversaires et a prédit la formation d’un gouvernement technocratique insatisfaisant.

« Macron a dit qu’il avait dissous l’Assemblée nationale pour soi-disant rendre le pouvoir au peuple, mais en réalité c’est la technocratie qui va prendre le pouvoir, alors qu’on sait que la technocratie va travailler contre les intérêts du peuple », a-t-elle déclaré mercredi sur BFM TV.

Reportage complémentaire de Victor Mallet à Paris



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