Quand les règles budgétaires créent un arbitrage politique pervers


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Le budget britannique, présenté mercredi dernier par le chancelier Jeremy Hunt, a suivi la chorégraphie habituelle bien répétée. Le gouvernement envoie ses plans politiques au Bureau indépendant pour la responsabilité budgétaire, qui prévoit comment les finances publiques qui en résulteront se compareront à un ensemble de règles budgétaires établies par le gouvernement lui-même.

Le résultat devient un outil politique sous la forme d’une « marge » : combien d’emprunts publics peuvent augmenter encore sans franchir une ligne qui définit désormais les limites de la responsabilité budgétaire. Le gouvernement et l’opposition doivent déterminer comment rester du bon côté de la ligne tout en concrétisant leurs propositions politiques aux électeurs.

Cela encourage des jeux fiscaux opaques et irréguliers (pour « trouver de l’argent » pour les politiques souhaitées sans redéfinir les priorités des ressources réelles). Cela risque également de provoquer une stagnation démocratique : cela augmente le prix politique de l’offre substantielle aux électeurs et sape un débat sérieux sur les besoins de l’économie.

Dans un système économique sensé, (ce qui passe pour) la responsabilité budgétaire devrait aller de pair avec une croissance forte et durable. Il serait pervers que les règles budgétaires créent un compromis politique entre les uns et les autres. Cet effet est peut-être particulièrement fort au Royaume-Uni, mais il existe également ailleurs. Aux États-Unis, une convention de « notation » budgétaire sur 10 ans peut conduire à évaluer la politique en supposant qu’elle sera inversée au cours de la 10e année.

Les règles budgétaires de l’UE, désormais réformées, ont, dans le passé, stimulé une politique anticyclique. Cela a aggravé les récessions qui ont suivi la crise financière mondiale, aggravant de manière contre-productive le fardeau de la dette publique.

L’ensemble de la stratégie d’investissement vert de l’Allemagne a été bouleversée en novembre lorsque la Cour constitutionnelle a invalidé une astuce couramment utilisée par les hommes politiques allemands : créer des « fonds » notionnels, lorsque les règles nationales sur le déficit sont suspendues pour des raisons d’urgence, qui peuvent ensuite emprunter librement en dehors du budget principal. . Le tribunal a rejeté un exemple particulièrement flagrant, mais les politiciens en ont inscrit un autre (pour les dépenses de défense) dans la constitution. D’autres sont dans le flou.

Ce sont tous des cas de règles budgétaires encourageant une politique économique trompeuse ou mauvaise, ou les deux. Que peut-on dire en leur faveur ? Ils pourraient remplir trois fonctions importantes : maintenir la confiance des hommes politiques en exposant les implications de leurs choix, encourager une meilleure politique budgétaire et rendre le processus plus rationnel en remplaçant les frictions politiques par des calculs froids.

En pratique, tenter d’imposer la probité à des hommes politiques déjà enclins à la malhonnêteté ne fait que les encourager à contourner les règles, surtout lorsqu’elles sont mal conçues. Prenons l’exemple de la règle de la dette publique du Royaume-Uni, définie sur une base « glissante » de cinq ans. La réalisation de cet objectif dépend uniquement de ce que le gouvernement dit aujourd’hui qu’il fera à l’avenir, et non de ce qu’il fait réellement.

Quant à une meilleure politique budgétaire, les règles actuelles sont apparues comme la réponse à un vieux problème : l’augmentation généralisée de la dette publique dans les années 1980, imputée à la volonté des politiciens de court-circuiter les générations futures et de relancer l’économie avant les élections.

Est-ce toujours le plus grand défi ? Dans la décennie de stagnation qui a précédé la Covid, le problème résidait plutôt dans le fait que les gouvernements avaient trop peur de stimuler leur économie. Les tentations procycliques demeurent : le ministre français des Finances explique les nouvelles réductions des dépenses en disant « quand vous gagnez moins, vous dépensez moins », passant sous silence le risque que si vous dépensez moins pour des choses importantes, vous pourriez également gagner moins.

Aujourd’hui, le risque d’investissements publics insuffisants – dans une croissance plus forte, dans les transitions verte et numérique et dans la défense – est au moins aussi grand que celui d’une dette publique élevée. Rien n’indique que les règles budgétaires permettent d’éviter cette erreur.

Il faut reconnaître que l’UE a tenté de faire mieux dans les règles réformées qu’elle vient d’introduire. Ils nécessiteront des plans de dépenses sur quatre à sept ans que vous respecterez. Cela devrait réduire l’incitation à jouer avec le système. Et au moins, la configuration multi-pays de l’UE bénéficie d’un équilibre des pouvoirs véritablement indépendant qu’un système purement national ne peut pas pleinement garantir : les gouvernements peuvent modifier et modifient effectivement leurs propres règles budgétaires.

Concernant le troisième objectif, tenter de dépolitiser le processus budgétaire a peut-être toujours été une erreur. Les règles ne peuvent pas faire grand-chose pour réparer une politique brisée ; à l’inverse, ils n’apportent pas grand-chose aux pays dotés d’hommes politiques honnêtes et désireux de rechercher l’intérêt commun.

L’aspect le plus prometteur de la réforme de l’UE est le nouveau compromis politique qu’elle encourage entre les pays et les institutions européennes. Le mieux que nous puissions espérer des règles budgétaires n’est pas de contourner une politique budgétaire dysfonctionnelle, mais de l’aider à évoluer vers quelque chose de meilleur.

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