Cette critique contient des spoilers.
La maison Harkonnen et le fils du duc Leto Atréides, Paul (Timothée Chalamet), se battent pour la domination sur la planète désertique Arrakis. Ils utilisent des armes différentes. “La bonne vieille artillerie !”, s’exclame le baron Wladimir Harkonnen (Stellan Skarsgård) et regarde avec satisfaction ses amiraux lâcher une pluie de bombes depuis l’un de leurs vaisseaux spatiaux sur un rocher dans les grottes duquel ils soupçonnent les ennemis.
Mais l’adversaire a la bonne réponse. «Nous avons des missiles nucléaires cachés», explique à Paul le maître d’armes des Atréides, Gurney Halleck (Josh Brolin). « 92 au total, dans un seul dépôt. De quoi faire exploser la planète entière ! L’indignation de ses amis indigènes, les Fremen, s’ensuit immédiatement. Arrakis est leur maison. Ils veulent garder leur monde vivant. Halleck ne peut pas comprendre cela. Mais il comprend. “C’est bon !” Halleck tente de la rassurer. “Nous n’en avons pas besoin d’autant.” Et puis il prononce une très jolie phrase qui soulage : « D’ailleurs, ce n’est qu’une figure de style ! ».
Phrase. L’armurier a probablement raison. Même si cela n’offre qu’une maigre consolation. Nous, les humains sur la planète Terre, utilisons également cette expression lorsque nous voulons décrire le potentiel de toutes les armes nucléaires disponibles et avertir : « Assez pour faire exploser la planète entière ».
Bien sûr, ce n’est pas vrai. Si les 12 500 armes nucléaires de notre monde (en janvier 2023) explosaient en même temps, d’énormes cratères seraient créés. La quantité de débris rejetés dans l’atmosphère aurait un impact bien plus important. L’émergence d’un hiver nucléaire mondial.
Mais nous utilisons cette expression pour illustrer le fait que si toutes les bombes atomiques explosent, l’existence de tous les êtres vivants est en danger. Pour faire exploser une planète, vous avez en fait besoin d’une autre histoire de science-fiction, celle de « Star Wars » et du canon laser construit par l’Empire et installé dans l’Étoile de la Mort, commodément appelé « superlaser ».
Dans “Dune : Partie 2” de Denis Villeneuve, les maisons s’affrontent également avec toutes sortes d’équipements de combat futuristes. Des lasers de toutes les couleurs et l’artillerie même dont le malheureux baron Harkonnen est fier. Mais ce sont les missiles nucléaires qui font la différence. Pour Halleck, seuls trois d’entre eux suffisent pour son attaque surprise. Le gigantesque nuage de détonation dans le sable du désert remplit sa fonction. Ses combattants utilisent les imposants vortex de poussière pour attaquer les troupes ennemies sur des vers des sables à des centaines de mètres de haut. Il est admis que tout le monde se trouvera dans le rayon de retombée de trois armes nucléaires qui ont explosé pendant la bataille. Hé, c’est de la science-fiction après tout.
Le réalisateur Villeneuve ne met pas en scène un récit héroïque. Le jeune Paul Atréides évolue d’un nouveau venu prêt à apprendre dans un monde étrange, d’abord à un « Sauveur blanc », puis à un tyran. Un Daenerys Targaryen se déroulant comme en time lapse. Mais le personnage le plus intéressant est l’armurier Halleck, qui lui est fidèle. Il obtient les explosifs nucléaires et les remet aux indigènes Fremen, un peuple du désert qui est dépeint dans la version cinématographique de Villeneuve du roman de Frank Herbert comme une caricature arabe naïve, aveuglément obéissante et moralisatrice. Pourquoi les extraterrestres – et les extraterrestres sont des personnes nées sur des planètes extraterrestres – doivent-ils parler avec un accent arabe ? Parce qu’ils sont dépeints à l’envers ?
Halleck obtient les armes nucléaires des fanatiques, qualifiés de fondamentalistes dans le film. Un « scénario d’horreur » également dans notre monde : l’expert militaire, détaché d’une ancienne grande puissance, donne aux combattants auparavant fragmentés d’une non-fédération d’États qui sympathisent avec lui l’avantage militaire décisif sur la grande puissance actuelle. C’est la crainte que nous connaissons depuis l’effondrement de l’Union soviétique : les connaissances spécialisées des militaires tombent entre des mains étrangères. Paul envoie finalement les Fremen combattre « au paradis ». Destination d’espoir pour les combattants qui savent qu’ils sont en train de mourir ; et ce sont généralement ceux qui éteignent leur esprit au préalable.
Désormais, les Harkonnen sont des tyrans qui soumettent des planètes entières. C’est probablement une bonne chose qu’ils soient achevés. C’est grâce à cela que des films comme celui-ci prospèrent. Les Fremen « intégristes » veulent simplement se débarrasser de leurs occupants. Mais le dernier Atréide, Paul, est depuis longtemps en passe de devenir despote. Même si, pour rétablir la paix galactique, il épouse la fille d’un empereur, la princesse Irulan (Florence Pugh). Avant cela, il doit éliminer le neveu du baron, Feyd-Rautha (Austin Butler), dans le rituel archaïque du combat au couteau (dont la planète natale, Giedi Prime, a été filmée dans un spectaculaire noir et blanc très contrasté, comme un hommage à Panos Cosmatos. ” Au-delà de l’arc-en-ciel noir” ou E. Elias Merhiges “Engendré”).
Paul avait auparavant salué le baron Harkonnen avec « grand-père », lui avait enfoncé le couteau dans le cou et avait commenté « maintenant tu meurs comme un animal ». Villeneuve est ici bien plus libéré, bien plus radical que l’épigone de Frank Herbert George Lucas, qui faisait beaucoup pitié à son Luke Skywalker de son père Dark Vador. Auparavant, Lady Jessica (Rebecca Ferguson) avait déjà eu son moment “Je suis ton père”, bien que pas aussi efficace que dans “Empire Strikes Back”.
“Oppenheimer” et “Dune : Part 2” de Christopher Nolan sont deux des plus gros blockbusters de ces deux dernières années. Qu’est-ce que cela dit sur notre peur d’une guerre nucléaire ? Les deux œuvres ne partagent pas seulement le point commun que leur protagoniste respectif se tourne vers Florence Pugh au cours du film. Ce sont aussi des films dans lesquels le rapport de force entre superpuissances change considérablement grâce à l’utilisation de la bombe.