Les violences sexuelles dans l’industrie cinématographique étaient à l’honneur hier soir lors de la remise des César, l’équivalent français des Oscars. Au théâtre Olympia à Paris, l’actrice de 51 ans Judith Godrèche, qui a accusé deux metteurs en scène d’abus au début du mois, a prononcé un discours émouvant. Le public a écouté son histoire avec haleine et l’a récompensée par une standing ovation. Ses propos ont été retransmis en direct à la télévision.
Il y a quelques semaines, Judith Godrèche portait des accusations contre le réalisateur Benoît Jacquot. Elle a commencé une relation avec lui à l’âge de quatorze ans, alors qu’il avait alors 39 ans. Durant les six années de relation, elle a affirmé avoir été victime d’abus et d’endoctrinement. Elle a également accusé le réalisateur Jacques Doillon de mauvaise conduite.
Malgré les graves accusations, les deux cinéastes continuent de nier fermement ces allégations. Jacquot affirme qu’il y avait un véritable amour et réfute toute allégation d’abus de pouvoir. Dans une interview au journal Le Monde, Jacquot a même souligné qu’il n’était pas préoccupé par les accusations. Doillon parle aussi de fausses accusations.
« Nous pouvons choisir d’empêcher les hommes accusés de viol de prendre les devants dans les films. »
Les Césars faisaient déjà l’objet de discussions en amont de l’événement. On ne savait même pas si l’actrice apparaîtrait, mais elle était là. « Nous pouvons choisir de faire en sorte que les hommes accusés de viol ne prennent plus les commandes au cinéma », a-t-elle déclaré dans son discours. « Il est de plus en plus facile d’en parler, des fissures apparaissent dans l’image idéalisée de nos pères, le pouvoir commence à vaciller. Oserons-nous faire face à la vérité ?
Moi aussi 2.0
Son discours est considéré comme un catalyseur de la « deuxième vague » du mouvement MeToo en France. Cela a éclipsé la grande victoire du film « Anatomy of a Fall ». Le film a reçu six prix, dont celui du meilleur film, de la meilleure actrice pour Sandra Hüller et de la meilleure réalisatrice pour Justine Triët. Triët est devenue seulement la deuxième femme à recevoir cet honneur en 49 ans d’histoire du prix du cinéma.
L’industrie cinématographique française n’a jamais pleinement participé de manière inconditionnelle à la lutte internationale contre les inconduites sexuelles. Depuis 2017, à l’instar d’Hollywood, des initiatives telles que « Balance ton porc » ont été lancées pour dénoncer le harcèlement sexuel. Mais il y a également eu des réactions de la part de personnes estimant que ces efforts étaient inutiles. Les expressions de soutien à Gérard Depardieu et Roman Polanski en sont des exemples, malgré les allégations de fautes professionnelles et de viols.
Nouveau départ?
La ministre de la Culture Rachida Dati, l’une des premières à se lever pour applaudir, espère que ce discours entraînera un changement. « Cela doit être le début d’une profonde remise en question du cinéma français », a-t-elle déclaré. La réalisatrice Justine Triët partage cet avis. « Je pense que MeToo commence seulement à prendre de l’ampleur en France. Cela a pris du temps, mais maintenant nous allons en faire l’expérience », a-t-elle conclu après la cérémonie.
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