L’adhésion du groupe ECR au Parlement européen devient intenable pour la N-VA. Mais où va le parti ?


Depuis cette semaine, les députés européens N-VA partagent les bancs de leur faction ECR avec le parti d’extrême droite français d’Éric Zemmour. Reconquérir! adhère à la théorie de la population et a à son actif des condamnations pour racisme. L’adhésion à l’ECR devient ainsi intenable pour la N-VA. Et maintenant?

Martin Rabaey

Éric Zemmour, qui se profile encore plus radicalement que Marine Le Pen (RN) et a proposé sa nièce Marion Maréchal à la tête du parti européen de son parti anti-islam Reconquête !, a conclu mercredi un accord avec l’ECR pour former le groupe après la Adhésion aux élections européennes de juin. Grâce à un transfuge français, le député Nicolas Bay, ils obtiennent également immédiatement un siège dans le groupe, qui comprend également des membres du parti postfasciste Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni. La Première ministre italienne elle-même adopte aujourd’hui une attitude plus modérée, mais au Parlement européen, son coprésident du groupe ECR, Nicola Procaccini, aime toujours la représenter sur son compte X avec un « salut mussolini » romain à peine voilé.

Le même ECR devrait également affronter le Fidesz de Viktor Orbán après les élections européennes. Le parti du Premier ministre hongrois est politiquement sans abri au Parlement européen, après avoir été exclu en 2021 de la plus grande faction du centre conservateur, le Parti populaire européen (PPE), auquel appartient également le CD&V.

Pour la N-VA, il semble plus logique de faire maintenant le choix inverse et d’échanger l’ECR contre le parti PPE, également courtisé par Meloni. Sous la direction du conservateur allemand Manfred Weber – membre de la CSU bavaroise, plus à droite que la CDU de l’ancienne chancelière Angela Merkel – le PPE a suivi ces dernières années une voie plus proche de la ligne de N. -Le président de VA, Bart The Weaver.

Partant de son conservatisme d’Edmund Burke, De Wever avait rejoint l’ECR à l’époque à cause des conservateurs britanniques, mais ceux-ci ont disparu après le Brexit et ont laissé la place à un patchwork de plus en plus coloré de formations de droite radicale, comme le parti espagnol Vox et le parti polonais. Droit et Justice (PiS).

Un expert budgétaire comme Johan Van Overtveldt sera sans doute plus d’accord avec la politique prudente de Weber en matière d’endettement allemand qu’avec des démagogues comme Zemmour. Van Overtveldt a également marqué de bons points auprès du PPE au cours de cette législature en tant que président de la commission du budget du Parlement.

Johan Van Overtveldt, député européen.Image PA

Des semaines de manifestations

Un autre avantage d’une adhésion rapide au PPE serait qu’elle pourrait rendre les choses un peu plus faciles pour la N-VA au niveau fédéral belge en juin. Si le parti était autorisé à participer aux négociations fédérales, le président du PS, Paul Magnette, aurait plus de facilité à convaincre ses partisans du sérieux de la N-VA, si le parti est déjà membre d’un groupe tel que le PPE au niveau européen. Le PS, qui fait partie du groupe Socialistes & Démocrates (S&D) au Parlement européen, y travaille déjà avec le PPE.

Au début du mois dernier, le Premier ministre flamand Jan Jambon a également indiqué que son parti « ne se sent plus à l’aise avec le ECR ». Il a alors été annoncé qu’une décision définitive quant à cette décision ne serait prise qu’après les élections de juin. La question est de savoir si cette période est viable maintenant que Zemmour existe. La N-VA devrait annoncer formellement dès maintenant son futur départ de l’ECR. Cela donne aux électeurs l’avantage de la clarté, que le parti ne veut pas identifier avec l’agenda de Zemmour, idéologiquement plus proche du Vlaams Belang.

Au niveau européen, le VB pourrait rester dans son groupe actuel, Identité & Démocratie (ID), qui, selon de récents sondages, pourrait devenir le troisième groupe au Parlement européen après le PPE et le social-démocrate S&D. Le VB siège entre des partis tels que le RN français de Marine Le Pen, le FPÖ autrichien, le PVV néerlandais, la Ligue italienne et l’AfD allemande, contre lesquels des protestations ont lieu depuis des semaines en Allemagne après les déclarations extrémistes d’élus de l’AfD sur le «une possible déportation des minorités».

Aujourd’hui, Zemmour a plus de points communs avec l’AfD que Marine Le Pen, ce qui pose la question de savoir si les Conservateurs et Réformistes européens et Identité & Démocratie ne deviendront pas eux aussi des vases communicants après les élections. Des changements mutuels entre ces factions restent donc possibles. Une collaboration à part entière, qui pourrait leur donner ensemble un quart des sièges au Parlement européen, est plutôt improbable en raison des divergences mutuelles.

Marine Le Pen.  ImageAFP

Marine Le Pen.ImageAFP

La relégation menace

Néanmoins, les partis du centre ont des raisons de considérer avec une inquiétude croissante les manœuvres de l’extrême droite. Selon les derniers sondages, le Parti populaire européen et les Socialistes & Démocrates semblent assurés de conserver leurs première et deuxième positions au Parlement, mais leur actuel « partenaire de grande coalition », le groupe libéral Renew Europe, perdrait des sièges en raison du passage prévu à la droite .

Pour Renew Europe, qui comprend actuellement des députés européens d’Open Vld comme l’ancien Premier ministre Guy Verhofstadt et Hilde Vautmans, mais aussi Renaissance du président français Macron et du MR francophone, il existe une menace de relégation à la quatrième, voire à la cinquième place – après identification ou ECR.

Parce que Renew recherche également des renforts, la N-VA pourrait également leur faire une proposition. Mais pour l’heure, cette alliance est moins évidente que l’adhésion au PPE. En tant que partenaires actuels de la coalition flamande, la N-VA et Open Vld peuvent certainement se rencontrer sur le plan économique, mais le parcours des libéraux européens de Renew contient des accents nettement plus progressistes, par exemple dans des domaines tels que le climat et la migration.

Ce sont précisément ces deux thèmes politiques qui domineront les élections européennes, selon une étude des politologues Ivan Krastev et Mark Leonard pour le Conseil européen des relations étrangères. « La politique européenne n’est plus seulement divisée entre gauche et droite et entre positions pro et anti-intégration européenne, mais aussi entre diverses ‘tribus de crise’ dont les membres ont été traumatisés par des événements importants », écrivent-ils. « Il suffit de penser aux crises passées dans les domaines de l’économie, de la sécurité, de la santé, du climat et de la migration, qui ont créé des identités politiques qui traversent et traversent les pays. »

Lors des prochaines élections au Parlement européen, ils affirment que la crise climatique et migratoire en particulier influencera le vote des citoyens et créera par la suite des divisions entre les nouveaux groupes du prochain Parlement.

La « tribu du climat », comme les appellent Krastev et Leonard, est la tribu la plus pro-européenne. « La nature de cette crise nécessite une large coopération internationale, de sorte que cette tribu pourrait considérer l’UE comme mieux à même d’agir en faveur du climat que les États-nations. »

Tribu de migration

Contrairement à la tribu du climat, les membres de la « tribu des migrants » sont plus susceptibles d’être sceptiques à l’égard de l’UE. Ils constituent le seul groupe au sein duquel une majorité s’attend à un effondrement du bloc dans les vingt prochaines années. Les députés votent le plus souvent pour des partis de droite ou d’extrême droite. Ils sont les moins favorables aux énergies renouvelables (même si une majorité y est toujours favorable), et ils sont les plus grands fans de l’énergie nucléaire et des combustibles fossiles. Beaucoup d’entre eux déclarent qu’ils préféreraient avoir un dirigeant qui défend l’indépendance de leur pays plutôt qu’un dirigeant qui coopère au niveau international.

L’étude de Krastev et Leonard a interrogé les électeurs de plusieurs États membres, mais malheureusement pas en Belgique. Il serait fascinant que nos politologues et nos agences de recherche appliquent ici leur approche. Peut-être que cela pourrait même aider les partis belges qui cherchent encore une place au Parlement européen dans leur choix de délocalisation.



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