Le lien entre migration et croissance démographique inquiétera les politiques wallons

Mark Elchardus est professeur émérite de sociologie à la VUB et auteur de Réinitialiser et Liberté/sécurité. Sa contribution est publiée toutes les deux semaines.

Marc Elchardus

Les Pays-Bas, comme la Flandre, sont densément peuplés. Nos voisins du Nord sont un peu plus proches que nous, avec 523 habitants contre 497 au kilomètre carré. C’est beaucoup par rapport aux pays européens où l’on aime partir en vacances : l’Italie compte 195 habitants au kilomètre carré, la France 118, l’Espagne 94.

Ainsi en Flandre, comme aux Pays-Bas : une bataille pour le sol. Combien d’espace pour les porcs et les vaches et leur azote ? Combien pour les habitations et les entreprises ? Faut-il que davantage de personnes vivent en appartement ? Faut-il chasser les agriculteurs ? Optons-nous pour une économie serrée et plus de nature ? C’est une source de conflit. Les règles et les règlements n’aident pas. Lorsque la terre a été inondée, tout le monde a cru que c’était de l’eau. Isolde Van den Eynde a bien vu : « La Flandre se noie dans ses propres réglementations » (HLN4/1).

Aux Pays-Bas, une commission nationale pour l’évolution démographique 2050 a commencé à travailler en 2022. Elle doit conseiller le gouvernement et le parlement sur les scénarios et les options politiques liés à l’évolution démographique et à ses conséquences. Elle a présenté ses décisions le 15 janvier. Ces événements ont également retenu l’attention de nos médias.

Ce comité a commandé une étude sur les préférences des Néerlandais. Après tout, tout tourne autour d’eux. Quel développement démographique souhaitent-ils voir d’ici 2050 ? Neuf pour cent ne savent pas exactement, 5 pour cent souhaitent une croissance démographique, 41 pour cent souhaitent que la population reste stable et 45 pour cent préféreraient la voir diminuer : 86 pour cent souhaitent une stabilisation ou un déclin. Cela semble surprenant, mais ce n’est pas une nouveauté. En 2009, l’Institut démographique interdisciplinaire des Pays-Bas (NIDI) a étudié le développement démographique souhaité. A cette époque, 95 pour cent souhaitaient une stabilisation ou un déclin, 5 pour cent souhaitaient une croissance plus poussée.

Sous-estimation

Les démographes du NIDI étaient très inquiets à l’époque car ils pensaient qu’un déclin démographique était imminent. Contrairement à ce à quoi ils s’attendaient, la population néerlandaise a depuis augmenté rapidement, passant de 16,5 à 18 millions d’habitants. Les Néerlandais ont donc des raisons d’être mécontents, à la fois des prévisions désastreuses de leurs experts démographiques et du refus ou de l’incapacité de leurs gouvernements de faire ce que souhaite la grande majorité de la population.

Le fait que les experts se soient trompés est lié à la nature de la croissance démographique. S’il est déterminé par le nombre de naissances et de décès – l’évolution naturelle de la population – il peut être facilement prédit. Aux Pays-Bas, cependant, la croissance démographique est depuis un certain temps entièrement déterminée par le solde migratoire, c’est-à-dire le nombre de personnes qui immigrent moins le nombre de personnes qui émigrent. Cela a été mal évalué par les experts. Pas comme on le ferait par ignorance innocente, en surestimant parfois l’immigration, parfois en la sous-estimant. Non, ils les sous-estiment systématiquement. Selon Kwatongen, car il est politiquement plus correct de sous-estimer l’immigration attendue que de la surestimer. Qui sait?

Quoi qu’il en soit, la population néerlandaise voit clairement le lien entre croissance démographique et migration. Lorsqu’on leur demande quel solde migratoire ils considèrent souhaitable, il apparaît que 9 pour cent souhaitent un solde migratoire positif, soit plus d’immigrés que d’émigrants, 49 pour cent souhaitent un solde nul, autant de personnes venant que venant, et 42 pour cent aimeraient que les Pays-Bas deviennent un pays d’émigration. pays d’où partent plus de gens que de gens viennent.

Intégration insuffisante

Un solde migratoire négatif ou nul n’est pas la même chose qu’un arrêt migratoire. Les immigrants peuvent toujours venir, à condition qu’un grand nombre ou plus d’émigrants partent. L’étude montre que les Néerlandais ne veulent pas de migration illégale, mais acceptent toutes les formes de migration, à condition qu’elles soient modérées. Une majorité est également consciente qu’il n’est pas facile de répondre à ses souhaits. Ils attendent un effort, pas un miracle. Dans cette optique, la commission préconise une immigration modérée et une croissance démographique plus lente.

« La migration n’est plus une question de droite », titrait le journal de Volkskrant après la présentation de cette recommandation. Il est en effet surprenant que la gauche considère encore un thème ayant un tel impact sur la prospérité, le bien-être et la cohésion sociale comme une préoccupation purement de droite. Ce qui, soit dit en passant, ne nuit pas à la droite.

Nous connaissons les conséquences de ce qui ne va pas : l’âpre bataille politique et juridique pour l’espace, la menace pour la prospérité et le bien-être, l’intégration insuffisante d’un trop grand nombre de nouveaux arrivants, le vaste processus d’intégration. Les causes – le lien entre une densité de population trop élevée, une croissance démographique trop élevée, un solde migratoire trop élevé – ne sont pas encore suffisamment inscrites à l’agenda politique en Flandre.

Une négligence irresponsable ? Non, la politique migratoire est une affaire fédérale. La Wallonie compte 218 habitants au kilomètre carré et la croissance démographique est bien inférieure à celle de la Flandre. Les gens préfèrent aussi vivre en Flandre. En 2022, 38.500 personnes ont quitté Bruxelles et la Wallonie pour s’installer en Flandre, dont seulement 13.500 dans le sens inverse. Le lien entre migration et croissance démographique préoccupera les politiques wallons. Les partis flamands, qui rêvent d’un gouvernement PS avec quelques portefeuilles pour une représentation docile de la minorité politique flamande, décident de garder le silence comme une tombe sur la migration. Si cela conduit à l’insatisfaction des électeurs, ne vous inquiétez pas, nous interdirons simplement le mot « insatisfait ».



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