Reportage : Jamais autant de « lobbyistes du fossile » n’ont été présents au sommet sur le climat, notre pays étant le leader européen


Hier soir, des délégations de près de 200 pays ont dû se rendre au marché de Noël, mais le 28e sommet de l’ONU sur le climat à Dubaï continue de jouer les prolongations. Une première proposition d’accord a été rejetée par une majorité, dont l’UE et les États-Unis.

De nombreux pays occidentaux souhaitent que les combustibles fossiles atteignent le « zéro net » avant 2050. C’est difficile pour les États pétroliers, en tête avec l’Arabie Saoudite.

« Ce texte pose le bon diagnostic, à savoir qu’il existe un écart énorme entre ce qui se passe et ce qui est nécessaire. Pour ensuite décider de presque rien», explique le climatologue Jean-Pascal van Ypersele (UCL Louvain) de Dubaï. Les chances que le texte final contienne des engagements fermes semblent faibles aux yeux des experts.

Le président Sultan Al-Jaber est accusé de trop écouter les États pétroliers amis. Une lettre a fuité dans laquelle le cartel pétrolier OPEP appelle ses membres, dont Dubaï, à bloquer tout texte contenant des énergies fossiles.

Manifestation climatique en marge de la COP28 à Dubaï.ImageGetty Images

Le lobby pétrolier est également plus présent que jamais à un niveau inférieur. Les ONG rapportent qu’il y a près de quatre fois plus de lobbyistes fossiles présents que la dernière fois. Cela concerne 2.456 personnes qui voyagent avec les délégations gouvernementales, indique Kick Big Polluters Out.

Pour l’Europe, ils sont 132, dont le PDG de TotalEnergies et des membres d’ExxonMobil. La délégation belge, avec celle française, compte le plus grand nombre de lobbyistes, soit 26. Parmi eux, le gestionnaire du gaz Fluxys, le dragueur Jan De Nul, le sidérurgiste Cockerill et le port d’Anvers.

« Nous craignons que cette présence massive n’influence la prise de décision », déclare Pascoe Sabido de l’ONG Corporate Europe Observatory. Même si cela doit être nuancé, estime un membre de la délégation belge. « A part Fluxys, ce ne sont pas tous des acteurs purement fossiles et plusieurs travaillent sur l’hydrogène vert ou les éoliennes », précise-t-on. « Ils ne participent pas aux négociations et assistent principalement à des événements parallèles sur la nouvelle technologie. » Par exemple, Fluxys était présent dans le domaine de l’hydrogène.

C’est double, estime le professeur d’économie de l’environnement Johan Albrecht (UGent & Itinera). « L’objectif des lobbyistes fossiles est d’exercer une influence indirecte. Semer le doute parmi ceux qui ne sont qu’indirectement impliqués dans la politique peut aussi s’avérer utile à long terme. Dans le même temps, il est bon que des entreprises qui sont également ou partiellement impliquées dans la transition verte s’informent des dernières tendances lors d’un tel événement. Nous pouvons nous attendre à ce que les membres de la délégation d’experts soient capables de faire la distinction entre information et manipulation.

Manifestation climatique en marge de la COP28 à Dubaï.  ImageAFP

Manifestation climatique en marge de la COP28 à Dubaï.ImageAFP

La ministre du Climat Zakia Khattabi (Ecolo) promet d’examiner si les « membres supplémentaires » devraient tous faire partie de la délégation officielle.

Entre-temps, il est devenu clair hier soir que l’accord final pourrait prendre des heures. L’ambition d’éliminer progressivement les combustibles fossiles d’ici 2050 est « en fait insensée », selon Albrecht. Parce que depuis trente ans, 80 % de nos besoins énergétiques mondiaux proviennent d’énergies fossiles. « Et cela ne diminue pas malgré trente ans de politique climatique internationale. En tant que continent riche, l’Europe peut poursuivre dans cette voie, mais les pays en développement ne savent pas vraiment comment ils peuvent se développer sans combustibles fossiles.»



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