Dans un nouveau documentaire, Gérard Depardieu enchaîne les commentaires vulgaires. Dans le cadre de l’émission, il a été annoncé qu’une deuxième plainte pour abus sexuels était en cours contre Depardieu. Le célèbre et tristement célèbre acteur a-t-il encore un avenir dans le monde du cinéma français ? Nous appelons le journaliste de cinéma Lieven Trio.

Joris Vliegen

Bonjour Lieven, que voit-on exactement dans le documentaire français ?

« Il s’agit de l’émission télévisée Complément d’enquête sur France 2, diffusant des images du documentaire de 2018 de Yann Moix, qui a suivi Depardieu en Corée du Nord. Ce documentaire n’a jamais été terminé ni diffusé en raison d’un conflit entre Moix et le producteur du film. Aujourd’hui, le producteur lui-même a divulgué un certain nombre d’images à la presse, au grand mécontentement de Moix, qui souhaite poursuivre le producteur en justice.

« Dans les images, on voit un homme, Gérard Depardieu, qui semble complètement obsédé par le sexe, qui ne peut se taire et qui fait référence au sexe à chaque occasion. Il fait par exemple des commentaires obscènes à l’adresse de son interprète : il dit qu’il voit ses sous-vêtements et qu’il a une érection. Tout cela est très misogyne et inapproprié, surtout compte tenu du rapport de force. Il est le puissant Gérard Depardieu et s’exprime de manière misogyne envers les gens qui travaillent pour lui, ce qui est bien sûr l’essence de MeToo. À un moment donné, il fantasme également sur une fillette de dix ans qui pourrait avoir un orgasme en montant à cheval. Ce sont bien sûr des commentaires de mauvais goût et inappropriés.

Les Français auront-ils une nouvelle image de l’acteur, ou celle-ci était-elle déjà ternie ?

« Est-ce surprenant ce que nous voyons ? Pas entièrement, plusieurs plaintes ont déjà été déposées contre Depardieu pour violences sexuelles. Juste avant la diffusion des images, on apprend que l’actrice Hélène Darras a porté plainte pour agression sexuelle sur le tournage de Disco, un film de 2008. Il y a aussi une enquête pour viol et violences sexuelles en 2020 et depuis au moins 16 autres femmes l’ont accusé de violences sexuelles, sans forcément porter plainte. Il existe de nombreux témoignages sur la façon dont il a mis sa main dans leur pantalon sans qu’ils le veuillent.

« Il y avait donc déjà beaucoup d’indications ou de rumeurs, mais Depardieu les a toujours toutes démenties. L’environnement n’y a pas vraiment réagi, il n’a pas perdu de poids non plus. Parce qu’il s’agit bien sûr de Depardieu, l’un des acteurs les plus grands et les plus puissants du cinéma français. Mais maintenant, c’est la première fois que l’on voit comment il s’exprime et ce qu’il dit en noir sur blanc, d’une manière indéniable. On ne le voit pas vraiment faire quoi que ce soit, mais on l’entend dire toutes sortes de choses, et cela reflète vraiment son caractère. Beaucoup de gens se demandent naturellement : s’il pense qu’il est acceptable de dire cela devant la caméra, que se passe-t-il lorsqu’il n’y a pas de caméra à proximité ?

Les images confirment donc en partie les rumeurs qui circulaient à son sujet ?

« Ce ne sont pas des images de violence sexuelle physique, mais elles caractérisent son caractère et rendent plausible que ce que toutes ces femmes disent de lui soit vrai. On entend aussi immédiatement des réactions qui relativisent dans les médias : «Oui, c’est Gérard. C’est comme ça. Certains ont dit qu’il était comme ça : « Nous le connaissons. C’est son humour.

«Mais MeToo a clairement dénoncé le fait qu’il ne faut pas supporter ça. Je pense que c’est aussi ce qui nous est arrivé avec l’affaire Bart De Pauw, où on a souvent dit que c’était censé être humoristique. Mais à cause de cette relation de pouvoir, cela a un impact, car il est très difficile pour ces femmes de s’y opposer, sinon cela peut être très écrasant et tout simplement nuisible. Avec Depardieu, il s’agit également de choses qui n’étaient pas du tout un problème avec De Pauw, à savoir les violences physiques et sexuelles.

« En France, il y a certainement plus d’opposition à MeToo et à ce qu’on appelle la Cancel Culture. L’actrice Catherine Deneuve, par exemple, avait précédemment indiqué qu’elle pensait que ce qui était dit sur Depardieu était un peu exagéré, qu’il aime un peu flirter et qu’il est exagéré de qualifier cela de viol ou d’agression. Mais maintenant, on sent à cause de ces images, qui dressent un portrait très négatif de lui, qu’il y a beaucoup d’indignation, en France aussi, et qu’elle s’exprime aussi. On a le sentiment qu’il a maintenant été exposé. Quelqu’un a également dit : « Il n’est pas monstre sacré plus, mais un monstre tout court. Une autre réponse a été : « Ça me donne envie de vomir. » Il y a donc beaucoup d’émoi et d’indignation. »

La carrière d’acteur de Depardieu est-elle désormais terminée ou peut-il encore travailler ?

« Cela reste difficile à prévoir. C’est la France, c’est Depardieu. Elle est certainement moins facile à écarter que ces déclarations de personnes pour lesquelles il n’existe aucune preuve et qui restent mot pour mot. Il est apparemment très difficile, surtout en France, de le dire clairement et de se faire entendre. Mais dans ce genre de circonstances, cela devient crédible et il devient plus difficile de l’ignorer.

«Maintenant, la question est : comment l’industrie cinématographique va-t-elle réagir à cela ? Vont-ils dire : on ne va plus le caster, ou y aura-t-il un contre-mouvement qui dit : on va continuer avec lui. La France, par exemple, est aussi le pays où Johnny Depp, avant même de sortir vainqueur de son deuxième procès, a déjà pu faire son grand retour au cinéma. Jeanne du Barry de Maïwenn. C’est tout simplement quelque chose qui est possible en France : toujours caster des gens qui font polémique. Cela en fait en partie partie.

« Cela peut aussi dépendre de la façon dont il réagira lui-même. Il a tout nié jusqu’à présent, qui sait, peut-être qu’il abordera désormais la question d’une manière différente dans les médias. Il peut proposer une explication selon laquelle c’est complètement sorti de son contexte, que ce n’est pas lui. Ou bien il peut dire qu’il a un problème, qu’il est accro au sexe et qu’il va travailler sur lui-même. S’il fait preuve d’une certaine compréhension du problème, je pense qu’il pourra peut-être être pardonné. En revanche, ces deux affaires pénales pèsent toujours sur lui. La question est aussi de savoir comment ils vont évoluer. Bien sûr, si vous êtes en prison, vous ne pouvez pas jouer dans des films.»



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