Le processus de fond entourant le projet Thule démarre vendredi. Seize membres du mouvement d’extrême droite, fondé par l’ex-militaire Tomas Boutens, sont poursuivis pour violations de la loi sur les milices privées.

Yannick Verberckmoes

Lorsque les agents ont vérifié le respect des mesures corona fin décembre 2020, ils ont visité un domaine de château à Viane, une sous-commune de Geraardsbergen, où se déroulait une réunion du projet Thule. Lors du raid, une arbalète a été trouvée avec laquelle, selon nos informations, les membres du Projet Thule voulaient organiser une compétition.

Il y aurait eu une fête d’encouragement à ce moment-là – bien que cela soit également contesté. Une telle fête est à l’origine un rituel scandinave ou germanique, qui a ensuite été transformé par le christianisme en célébration de Noël. La fête de Noël a également été célébrée par les nazis, qui y voyaient un pendant purement germanique de Noël, et est toujours populaire dans les cercles d’extrême droite.

L’action de la police a donné lieu à deux procès différents : l’un pour violation des mesures corona, dans lequel une décision en appel suivra, et l’autre pour violations de la loi sur les milices privées. Cette dernière a été initiée en juin, mais les plaidoiries ne font que commencer. Le fait qu’il s’agisse d’un cas particulier est déjà apparu lors de l’audience introductive.

Les personnes présentes ont d’abord dû passer un détecteur de métaux avant d’être autorisées à entrer dans le palais de justice et le procureur a été amené sous escorte policière. Une telle situation est tout à fait inhabituelle pour le tribunal d’Audenarde.

Sang, terre, honneur et loyauté

Le projet Thule est l’idée originale de Tomas Boutens. Il est une figure bien connue des cercles d’extrême droite, car il était auparavant un leader au sein de Blood, Soil, Honor et Trouw. Cette organisation avait l’intention d’assassiner Filip De Winter et Dyab Abou Jahjah et de les faire apparaître comme l’œuvre de terroristes islamistes. L’idée était de provoquer ainsi une guerre civile, mais les plans ne se sont jamais vraiment concrétisés.

Des armes et des munitions ont été trouvées lors de perquisitions à domicile en 2006. Il faudra attendre 2014 avant que Boutens ne soit condamné. Il a ensuite été condamné à cinq ans de prison, dont un avec sursis. Boutens a été sanctionné dans d’autres affaires, mais les condamnations ne l’ont pas empêché de se faire remarquer. Pendant la pandémie, lui et son projet Thule, fondé en 2019, ont participé à de nombreuses manifestations contre les mesures liées au coronavirus.

L’année dernière, l’organisation a organisé une cérémonie à la mémoire de Jürgen Conings, le soldat qui a menacé Marc Van Ranst puis s’est suicidé. L’association assurerait également la sécurité de Frontnacht. Mais ce festival de musique a finalement été interdit, car des groupes ayant des sympathies nazies seraient venus se produire.

Le nom du Projet Thule vient d’Ultima Thule. Dans la Grèce antique Thulé (‘tulé‘) pour l’endroit le plus septentrional du monde alors connu. Pour les nazis, le terme est devenu synonyme d’une sorte de patrie aryenne, ou d’utopie aryenne, comme l’explique le professeur d’histoire Eric Kurlander dans Le New York Times.

Selon son site Internet, l’association possède des succursales en Flandre occidentale, en Flandre orientale et à Anvers. Elle fait toutes sortes d’activités comme des formations sur les techniques de survie ou d’auto-défense. Avec les célébrations de Noël et de la Saint-Jean, entre autres, l’organisation veut promouvoir la cohésion et renforcer « l’identité traditionnelle du peuple ».

Milice privée

Le procès va maintenant porter sur la question de savoir si le Projet Thule peut effectivement être qualifié de milice privée. La loi définit les milices privées comme des groupes qui usurpent des tâches de l’armée ou de la police en faisant porter à leurs membres des armes et des uniformes, en les entraînant aux techniques de combat et en cherchant à recourir à la violence. Les peines vont d’un mois à un an de prison, en plus d’une amende.

« Ce sont des associations qui veulent pour ainsi dire se substituer à la police en patrouillant dans les rues », explique le magistrat honoraire Henri Heimans. « Ils finissent ainsi dans les eaux des pouvoirs publics. Cette loi est née dans les années 1930, lorsque des organisations fascistes manifestaient dans les rues de différents pays.»

La plupart des membres du Projet Thule sont, selon l’assignation à comparaître, ceux Le matin pourrait inspecter, également poursuivi pour violations de la législation sur les armes. Onze des seize prévenus doivent répondre de l’arbalète retrouvée à Viane. Boutens lui-même est également poursuivi pour possession d’un couteau-poignard.

Selon la défense, les conditions pour que le Projet Thule soit considéré comme une milice privée ne sont pas réunies. Avoir une arbalète lors d’une réunion n’est pas la même chose qu’organiser un entraînement aux armes pour une organisation paramilitaire, disent-ils.

La loi sur les milices privées est rarement utilisée et le passé a montré qu’il n’est pas facile de poursuivre une association de cette manière. Lors d’un procès en 2000 contre les Hell’s Angels belges, le club avait été acquitté.

Même s’ils portaient une sorte d’uniforme avec leurs blousons de moto, ils n’avaient aucune formation militaire et n’avaient aucune intention de prendre le contrôle de l’ordre public, a statué le tribunal. «Les membres du club ont ensuite récupéré leurs motos saisies», raconte Heimans. « Bien que les membres aient été reconnus coupables de formation de gangs et d’une série de crimes violents. »



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