7 sorties récentes à voir sur les plateformes


Nous recommandons sept films sortis directement sur les plateformes ou sortis en salles (s’ils ont été vus dans plus d’une) sans douleur ni gloire. Un exemple : le fabuleux « Trenque Lauquen » a été vu, selon les données du ministère de la Culture, par 455 (chanceux) spectateurs.

Mona Lisa et la Lune de sang (Ana Lily Amirpour)
Les cinémas espagnols aiment autant Ana Lily Amirpour que José Manuel Soto aime la démocratie. Presque personne ne veut sortir ses films. Peu importe qu’ils soient primés à Venise, à Sitges, et que leurs films soient très accessibles et agréables (la réalisatrice est d’origine iranienne mais elle n’est pas une imitatrice turque de Kiarostami). Après l’hypnotique conte de vampire skateur ‘A Girl Comes Home Alone at Night’ (sorti en secret durant l’été 2015) et le western post-apocalyptique lysergique ‘Amor Carnal’ (Netflix), son nouveau long-métrage débarque à nouveau directement sur les plateformes.

« Mona Lisa et la Lune de sang » est une fable avec des éclairs de thriller fantastique et de comédie mettant en vedette « une fille qui rentre seule à la maison la nuit » (nuit avec une lune de sang) après s’être échappée d’un sanatorium psychiatrique. Ici, la fille est également étrange : une adolescente innocente dotée de pouvoirs télékinésiques. A partir de cette prémisse de l’intrigue, Amirpour expose ses « super pouvoirs » de réalisatrice : un style visuel hyper-stylisé et très suggestif, un mélange de références très bien mélangées, un discours racial et de genre fantastiquement intégré, et une bande-son irrésistible de Daniele. Luppi. 8.
Disponible : Amazon Prime

Train Lauquen (Laura Citarella)
Comme nous l’avons dit, presque personne ne l’a vu lors de sa première en salles, mais c’est l’un des grands films de l’année. Il est vrai que la durée n’a pas aidé : quatre heures et demie (même si ça passe vite). Mais pourquoi ne l’ont-ils pas sorti en deux parties, comme ils l’ont présenté à Saint-Sébastien et comme ils l’ont fait à Filmin ? Le troisième long métrage de fiction de Laura Citarella, présenté à Venise, marque sa reconnaissance internationale. Le cinéaste argentin a réalisé un film débordant d’ingéniosité, de sagesse narrative et de plaisir à plonger dans les labyrinthes d’histoires multiformes avec des histoires qui s’ouvrent sur d’autres histoires.

« Trenque Lauquen » (titre qui fait référence au nom d’une ville de la province de Buenos Aires) est un film policier sur la disparition d’un biologiste. De cet événement, le réalisateur tire le fil narratif et entame un itinéraire qui avance, saute, s’arrête, recule… par les chemins les plus inattendus et les plus ludiques : de l’intrigue policière captivante au mélodrame romantique émotionnel, de la comédie lynchienne à la science-fiction traditionnelle, du récit épistolaire du XIXe siècle au monologue confessionnel radiophonique. Une merveille destinée à devenir une œuvre de culte. 9.
Disponible : Filmin

Réalité (Tina Satter)
Comme je n’avais pas envie de voir ce film : une dramaturge faisant ses débuts au cinéma adaptant sa propre pièce sur un thème de fuite à la Snowden, avec une actrice, Sydney Sweeney, qui m’avait toujours semblé assez limitée. Grâce aux critiques enthousiastes de The Guardian et d’IndieWire, j’ai décidé de le regarder (il vient de sortir) alors que je n’envisageais plus d’inclure d’autres films dans cette sélection. Heureusement. La « réalité » n’a rien à voir avec le téléfilm de l’après-midi « avec plainte » que j’avais monté dans ma tête.

L’affaire est connue, mais si vous ne savez rien, tant mieux. On peut ainsi entrer aveuglément dans le cadre dramatique que propose le film. « Reality » est un drame policier construit à partir de la recréation de la transcription réelle de l’interrogatoire que deux agents du FBI ont donné au vétéran de l’armée américaine et traducteur de la NSA Reality Winner, le 3 juin 2017. Un exercice fascinant d’escrime verbale, de chat et les jeux de souris, qui posent des dilemmes éthiques et moraux très intéressants. Oh, et Sydney Sweeney « limité » est fantastique. 8.
Disponible : Filmin

Bébé Ninja (Yngvild Sve Flikke)
Une autre première que presque personne n’a vue. « Ninjababy » est une comédie dramatique (lauréate du prix de la meilleure comédie du cinéma européen) qui aborde la question de la maternité non désirée sans aucune forme de condescendance ni de moralisme. Le réalisateur Yngvild Sve Flikke (connu pour la série « Home Ground ») reprend les conventions de ce type de fiction et les brise en morceaux avec une épée de ninja. Mais pas seulement dans un esprit destructeur et provocateur, mais aussi comme une manière de réfléchir à contre-courant sur un sujet très sensible moralement.

Le réalisateur dessine le conflit de cette jeune femme enceinte à travers plusieurs éléments : un scénario très mesuré, qui oscille avec une grande aisance entre comédie légère et drame intimiste ; une mise en scène agile et ludique, qui comprend des scènes animées (le film est basé sur le roman graphique « Fallteknikk » d’Inga H Sætre) ; une sélection attrayante de chansons de la scène indépendante norvégienne (Pom Poko, Hajk, Frøkedal) ; et la fabuleuse performance de l’actrice Kristine Kujath Thorp, dans son premier rôle important avant de s’éclater avec « Sick of Myself ». 7.5.
Disponible : Movistar+

Faire bouillir (Philip Barantini)
Avant de se consacrer entièrement au cinéma, l’acteur Philip Barantini a travaillé pendant 12 ans comme chef dans un restaurant. Le résultat de son expérience en cuisine a été le court métrage « Punto de ebullión », son premier film primé (disponible sur la chaîne TVCortos de Prime Video). « Hierve » est la version étendue du court métrage, avec lequel le réalisateur a également obtenu plusieurs prix (il a été nominé pour quatre Baftas).

Tourné en un seul plan séquence (réel, non truqué au montage), « Hierve » est un drame culinaire immersif aux ingrédients de thriller, un « cauchemar en cuisine » avec le toujours excellent Stephen Graham (‘Les Vertus’, ‘Les Irlandais’). Barantini recrée le service tendu d’une soirée dans un restaurant branché de Londres pour raconter, d’une part, le drame personnel d’un chef accablé par le stress, un homme « en ébullition », et, d’autre part, pour créer une métaphore efficace. sur des sujets tels que la précarité de l’emploi, le racisme, le monde des influenceurs ou la compétitivité sauvage du capitalisme extrême. Une soirée angoissante cuite à feu doux. Oui, chef ! 7.5.
Disponible : Filmin

Friedkin non coupé (Francesco Zippel)
On aurait pu recommander le pionnier de la représentation LGBT+ « The Boys in the Band » (Filmin, Prime), les deux tubes qui ont fait de lui une légende du New Hollywood « French Connection » (Disney) et « The Exorcist » (en octobre dernier). -sorti en salles à l’occasion du 50ème anniversaire), des œuvres cultes vilipendées en leur temps comme « Damned Cargo » (Filmin) et « On the Hunt » (horrible titre de « Cruising », Filmin), le thriller ultra années 80 qui a marqué son (timide) résurrection ‘Living and Dying in Los Angeles’ (sur Blu-Ray) ou son formidable chant du cygne ‘Killer Joe’ (en Espagne uniquement sur DVD).

Mais quoi de mieux que ce documentaire léger mais précieux pour aborder, en guise d’introduction, la figure et l’œuvre de William Friedkin, récemment décédé. Ellen Burstyn, Wes Anderson, Matthew McConaughey et Quentin Tarantino, qui dans ses « Méditations cinématographiques » démontre son amour pour les films du cinéaste, sont quelques-uns des témoignages qui accompagnent ce portrait de celui qui fut le mari de Jeanne Moreau (qu’il fait d’ailleurs, aucune mention n’en est faite). Un portrait peut-être trop révérencieux mais très divertissant et plein d’anecdotes, articulé à travers les propres déclarations lucides et spirituelles du réalisateur. 7.
Disponible : Movistar+

Beaux êtres (Guðmundur Arnar Guðmundsson)
Enfin une reprise. Filmin a déjà ajouté à son catalogue « Beautiful Beings », l’un des meilleurs films vus au récent Atlantida Film Fest. Le réalisateur de « Heartstone » (2016) démontre une fois de plus son énorme capacité à diriger de jeunes acteurs et à capturer les sentiments et les émotions associés à l’univers adolescent. « Beautiful Beings » pourrait être considéré presque comme sa suite (même l’affiche y ressemble). Une nouvelle fois, il raconte une histoire d’initiation et d’amitié entre plusieurs garçons marqués par le milieu familial difficile dans lequel chacun vit. Un climat d’extrême violence domestique et d’impuissance que reflète le réalisateur – qui s’appuie sur ses propres expériences de jeune homme dans les années 90 – avec une grande force dramatique.

Tourné caméra au poing, nerveux et proche, recherchant la physicalité des personnages, ‘Beautiful Beings’ explore les relations entre un groupe d’adolescents, soulignant l’amitié qui se crée entre eux. Un sentiment de fraternité, de fraternité de fer, qui leur sert de refuge, de lieu où ils se sentent en sécurité et accompagnés. Bien que le film soit raconté avec un naturalisme brut et brutal, Guðmundsson le brise de temps en temps en incorporant des éléments oniriques qui fonctionnent comme la visualisation des peurs de l’un des protagonistes. Magnifique. 8.2.
Disponible : Filmin



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